Coupe Davis: Et si c'était lui? Mannarino «ne pense vraiment pas être le premier choix»
TENNIS•Mannarino a trouvé son modjo, et il s'appelle Jean-Christophe Faurel...Aymeric Le Gall
L'essentiel
- Adrien Mannarino a battu David Ferrer au tournoi de Bercy.
- Il réalise en 2017 la meilleure saison de sa carrière.
- En manque de confiance permanent, le joueur a trouvé dans son nouveau coach quelqu'un capable de faire changer la donne.
De notre envoyé spécial à l'AccorHotels Arena
Les mots qui vont suivre ont été prononcés par Adrian Mannarino en conférence de presse, juste après sa victoire contre David Ferrer au Rolex Paris Masters. Lisez-les attentivement, car on va vous poser une question derrière : « Je suis en train de jouer un Masters 1000. La Coupe Davis est dans trois semaines, même plus, ce n’est pas du tout dans mes pensées pour l’instant. Je suis loin d’être qualifié. En plus, il y a beaucoup de joueurs qui sont meilleurs que moi, qui jouent bien en ce moment et qui ont déjà une expérience de la Coupe Davis. Je ne pense vraiment pas être le choix qui vient à l’esprit en premier. »
Voilà. Bon alors les amis, il n’y a rien qui vous choque maintenant ? Non, vraiment ? Vous ne sentez pas comme un ENORME manque de confiance ? Si, évidemment. Non parce qu’on ne veut pas jouer les psys à deux euros vingt, mais le mec qui a lâché ça est actuellement dans la forme de sa vie, il enchaîne des performances de fou et il est le troisième français le mieux classé à l’ATP (derrièreTsonga et Pouille mais devant Gasquet).
Pourtant, même si comme ça, cela n’est pas flagrant, Adrian Mannarino a fait un gros travail sur lui-même pour effacer peu à peu ce manque de confiance qui le suit depuis toujours.
Et pour y parvenir, il a trouvé son alter ego en la personne de Jean-Christophe Faurel, son entraîneur depuis avril dernier. Cet ancien joueur professionnel, qui avoue se retrouver énormément dans la personne de Mannarino, collabore avec lui depuis le tournoi de Monte-Carlo. « J’ai un peu le même caractère que lui, je suis hyper timide, réservé, c’est pour ça aussi qu’on s’entend bien et que j’arrive à le comprendre et à ressentir ce qu’il peut vivre quand il est sur le terrain et en dehors », nous dit-il dans les salons de Bercy, une heure après la victoire de son joueur.
Prête-moi ta confiance
Les deux se ressemblent, donc, mais à une (grosse) différence près. Si l’un manque de confiance en lui, l’autre en a suffisamment pour deux. Pour tout dire, Faurel aurait même tendance à être dingue de son joueur et de la manière dont il pratique le tennis. La preuve : « je suis fan de son tennis, j’adore le regarder jouer, je passe des moments incroyables devant ses matches. Il n’y a pas un mec sur le circuit qui joue comme lui, il a un jeu qui est complètement atypique. Je me régale vraiment à le regarder. Mais depuis toujours hein, déjà il y a dix ans quand je l’affrontais j’adorais ce qu’il faisait. »
Forcément, quand on pense ça de quelqu’un et qu’on diagnostique chez lui un gros manque de confiance personnelle, la solution coule de source : faire un effet de vases communicants. « Tu manques de confiance en toi ? Bouge pas, je vais t’en verser un petit peu », ou un truc du style. Et il faut croire que ça marche. C’est ce que Mannarino nous a dit en tout cas : « Il m’apporte énormément de confiance en moi. Dans la vie de tous les jours, je ne suis pas quelqu’un de très extraverti et qui déborde de confiance en lui. Il a aussi réussi à me faire évoluer là-dessus. Il a une importance énorme dans mes bons résultats. »
Les résultats, parlons-en justement. En 2017, Manna a réduit en miette son ancien record de victoires sur une saison qui datait de 2015 (28) et affiche aujourd’hui un super bilan de 33 succès. Tout ça sans oublier que « la semaine dernière il était à deux doigts de battre Federer (à Bâle), là il élimine Ferrer à Bercy et avant il était en finale à Tokyo », appuie Jean-Christophe Faurel.
Et s’il n’est pas encore tout à fait guéri de ce manque d’auto-estime, les efforts sont là. Et les résultats aussi, fatalement. Depuis environ sept mois que les deux font la paire, Jean-Christophe Faurel a clairement vu Mannarino évoluer.
« C’est essentiellement dans la tête qu’il a progressé depuis qu’on bosse ensemble. Il a pris confiance en lui, en son jeu et ça se ressent chaque fois un peu plus. Pour moi c’est inconcevable qu’un mec aussi fort que ça n’ait pas une surconfiance en lui. Mais il commence aussi à prendre conscience que c’est monstrueux ce qu’il arrive à faire et surtout que la vie qu’il mène elle est fantastique. Ça, je lui répète tous les jours, il ne faut pas banaliser ce qui lui arrive, il faut en profiter au maximum. » »
Du one shot au long terme
Ce qui est beau dans cette histoire, comme dans toutes les belles histoires a-t-on envie de dire avec notre petit cœur d’éternels romantiques, c’est que rien de tout ça n’était écrit à l’avance. Elle a commencé un peu comme ça, pas à l’arrache, mais presque. « Les premières fois qu’on a travaillé ensemble, je bossais encore dans mon club (le Tennis club de Paris) donc c’était plus pour lui filer un coup de main qu’autre chose », confirme Faurel.
« C’est une relation qui est vachement saine à la base parce qu’on a commencé par un tournoi puis un autre. On n’avait pas vraiment de plan en fait, ajoute Mannarino. Dès le début, il m’a dit clairement "écoute, j’ai un métier, je suis heureux dans ce que je fais, si tu te comportes mal avec moi ou si à un moment donné je ne prends pas de plaisir avec toi, j’arrête." Du coup, je n’ai pas senti la pression du fait d’engager un coach et de ressentir qu’il est un peu dépendant de moi. Je sais que s’il est là, c’est parce qu’il prend du plaisir. »
Tellement de plaisir que ce qui ne devait être qu’un one shot s’est transformé en relation suivie. Faurel, encore : « L’idée c’était de voir comment ça allait se passer et finalement ça a tout de suite bien accroché entre nous et c’est comme ça que ça s’est fait. On a prolongé le truc, on s’est dit qu’on ferait un point à la fin de l’été et qu’on verrait. Et au final, juste avant l’US Open, on a décidé de continuer le truc à fond. J’espère que ça continuera longtemps et qu’on continuera à s’éclater comme c’est le cas aujourd’hui. Moi je pense qu’il y a encore moyen d’aller plus haut. » Et si Jean-Christophe Faurel le pense aujourd’hui, il y a des chances pour qu’Adrian Mannarino finisse lui aussi par y croire demain. Les vases communicants, encore eux.