Ligue des champions: Monaco bientôt éliminé? Tout va bien, c’est dans le projet
FOOTBALL•L’équipe de Jardim est performante un an sur deux en Coupe d’Europe…J.L.
L'essentiel
L'ASM doit gagner contre le Besiktas pour espérer encore les 8es de finale en C1.
Le club a du mal à réaliser deux saisons consécutives de la même qualité en raison de la nature de son projet.
On voit d’ici les titres catastrophés du mercredi matin. « Le demi-finaliste de la C1 proche de la sortie ». « Qui sont les responsables du flop monégasque ? ». « La France bientôt re (re) rejointe par le Portugal à l’indice Uefa ? ». Pour ceux qui n’ont pas suivi : l’équipe frisson de la saison passée accueille le Besiktas avec l’obligation de gagner pour rester en vie en Ligue des champions. Pas de suspense pour autant, c’est comme si l’ASM était déjà éliminée. Pessimistes à 20 Minutes ? Non, c’est juste qu’on a fait un bac ES, et que si ça ne nous a pas aidés à réussir dans la vie, on a retenu deux/trois trucs quand même :
- L’inflation c’est mal (puisque ça mène au nazisme)
- Keynes était de gauche
- L’école de Chicago était de droite
- Schumpeter avait un nom cool pour un gars qui a inventé la théorie des cycles économiques
Or que nous dit la théorie du bon Josef ? En résumé, que la vie économique est faite de phases d’innovation et de dépression qui se succèdent, en fonction du degré d’adaptation des acteurs économiques au progrès technique. D’où cette fameuse courbe sinusoïdale… qui colle parfaitement au cheminement de l’AS Monaco depuis son rachat par Rybolovlev..
Le rapprochement est un peu vaseux, on vous l’accorde, mais pas tant que ça. Le modèle monégasque génère de lui-même les raisons structurelles d’un effritement passager à intervalles réguliers, même s’il faut inverser le mode de lecture. Dans la réalité monégasque, l’état de dépression économique correspond à l’état de dépression sportive, quand les caisses sont remplies à ras bord grâce à la vente des joueurs, mais que les résultats en pâtissent. Sauf qu’on passe plus vite de l’un à l’autre que chez Schumpeter.
>>> Première année. Le club cartonne en C1 et parvient à valoriser ses actifs.
>> Deuxième année. Le club engrange sur le marché des transferts mais a besoin de temps pour reconstruire une équipe sur le terrain.
- Au printemps 2015. Grosse sensation en Europe avec l’élimination d’Arsenal grâce à l’émergence de plusieurs jeunes joueurs recrutés un ou deux ans avant.
- A l’été 2015. Kurzawa, Ferreira Carrasco, Kondogbia, Abdennour et Martial s’en vont. Saison pénible avec une élimination en phase de poule de la Ligue Europa.
- En 2016. Arrivée à maturité de la génération Bernardo Silva-Bakayoko-Mendy, recrutée un ou deux ans plus tôt. Titre de champion et demi-finale de C1.
- A l’été 2017. Rentrée d’argent historique grâce aux ventes de Bernardo-Bakayoko-Mbappé-Mendy = Saison compliquée à prévoir ?
La réussite estivale insolente de Falcao a pu faire croire un instant que la théorie des cycles allait en prendre un coup pour cette saison, mais les résultats des dernières semaines ont pris les apparences d’une certaine normalité. Il ne faut rien attendre du Monaco des mois à venir autre chose que le strict minimum, à savoir une place sur le podium à des années-lumière du PSG et un parcours honnête en Ligue Europa, la perspective européenne la plus réaliste en l’état. Leonardo Jardim donnait l’air d’avoir largement anticipé la chose avant le premier match à Leipzig.
« J’ai accepté ce projet il y a trois ans. Je comprends sa philosophie et la méthodologie de travail mise en place. Donc, je suis là pour travailler, faire travailler les jeunes joueurs, les aider à progresser, sans pleurer » »
L’entraîneur portugais, qui a le temps de lire Edgar Morin, a sûrement déjà pris connaissance de la théorie schumpéterienne. C’est l’an prochain que la croissance du secteur sportif devrait redécoller, à condition qu’il développe l’activité grâce à ses nouvelles ressources (un peu chiante cette métaphore économique à filer tout du long mais bon on l’a bien cherché). Quelques signes positifs apparaissent discrètement.
- La belle régularité de Rony Lopes, de plus en plus décisif sur son côté droit.
- L’adaptation progressive du jeune prodige belge Tielemans.
- Le potentiel de Keita Baldé, entrevu vendredi dernier au Parc OL.
- Le retour d’Adama Traoré, annoncé monstrueux avant une grave blessure il y a deux ans.
- La jurisprudence Jardim > Un joueur en CFA à l’automne (Martial en 2014, Mbappé en 2016) deviendra international au printemps.
Un peu léger, tout de même, pour assurer que Monaco sera de nouveau en haut de la vague la saison prochaine. Il y a deux ans, une campagne de recrutement ratée (Bahlouli, El Shaarawy, Ivan Cavaleiro, Helder Costa, Mario Pasalic) avait failli plomber le projet, sauvé par la résurrection improbable de Falcao et l’émergence fulgurante de Mbappé. A notre connaissance, le centre de formation monégasque n’est pas près de ressortir un génie pareil, et certains achats de l’été semblent déjà bien délavés à l’automne.
- Ghezzal montre les mêmes limites qui en ont fait un remplaçant sur la durée à l’OL.
- Diakhaby, acheté cher à Rennes, a déjà disparu de la rotation.
- Jovetic n’a rien réussi de durable depuis son explosion il y a déjà cinq ou six ans.
- Meïté et Mboula ressemblent carrément à des erreurs de casting.
- Kongolo a dix fois moins de potentiel que Mendy au poste d’arrière-gauche.
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Pour ce qui est de la génération intermédiaire censée prendre le pouvoir cette saison, c’est pareil. En dehors de Thomas Lemar, qui aura fait les trois ans réglementaires ouvrant le droit à un départ l’été prochain, on ne voit rien venir, en dehors du soleil qui poudroie et de l’herbe qui verdoie. On a le droit de penser que c’est un défaut conjoncturel, qui sera corrigé lors du prochain mercato de grande ampleur. Ou se rappeler que Luis Campos a emmené à Lille ses milliers de fiches Football Manager et que son successeur Antonio Cordon, a lui aussi lâché l’affaire.
« Notre structure est suffisamment forte pour ne pas nous précipiter sur son remplacement, le club est bien organisé. On va réfléchir à tout cela. Si j’ai la bonne candidature, je la prendrai, mais on pourra s’en passer », expliquait récemment Vadim Vasilyev dans l’Equipe. On demande à voir quand même. Jardim pourrait transformer un girafon en Ballon d’or, certes, mais il a besoin d’un bon footballeur de temps en temps.