CYCLISMEQuand des amateurs massacrent les temps des pros sur les cols du Tour

Strava: Quand des amateurs massacrent les temps des pros sur les cols du Tour de France 2017

CYCLISMEL’application Strava nous offre parfois de belles surprises…
Bertrand Volpilhac

B.V.

L’homme le plus rapide de l’histoire sur la montée mythique de l’Izoard s’appelle donc « Fredo fait du vélo ». Derrière ce pseudo sexy qui rappelle le dragueur des chats voila.fr que vous étiez à l’adolescence, il y a un cycliste amateur qui touche sa bille sur « Strava », l’application qui permet de calculer et de comparer ses temps sur différents segments de course. Pour rigoler, on a passé en revue le palmarès Strava des principaux cols empruntés dans ce Tour 2017 pour voir qui en détenait les « King of Moutains » (KOM), les meilleurs temps.

Plutôt logiquement, un certain « Romain B. de Clermont-Fd » (notre enquête, qui a consisté à zoomer la photo de son profil Strava, confirme bien qu’il s’agit de Romain Bardet) est assez régulièrement bien placé et détient par exemple le KOM du Mont du Chat, la terrible ascension qui conclut l’étape reine dimanche. Mais sur d’autres, surprise, des pros sont battus par d’illustres inconnus.

Fredo fait du Vélo à l’Izoard donc, mais aussi Théo Vimpère en haut du Télégraphe ou Julien Lodolo dans le Galibier. D’abord les questions d’usages, qui sont-ils et dans quelles conditions ont-ils réalisé ce chrono ?

Frédo : « C’était il y a quelques années, en 2013. J’étais cycliste amateur où j’ai fait quelques compétitions avec les pros. La montagne, c’était mon domaine de prédilection. Je faisais ce genre de montées en vacances, pour m’étalonner. Celle-là, je l’avais faite 2/3 fois en une semaine de vacances. »

Julien : « Je suis amateur, c’était lors du contre-la-montre de la Haute Route, une cyclo-sportive qui dure une semaine. Du pied jusqu’au sommet du Galibier, j’ai gagné l’étape. Je connaissais la montée, je m’étais déjà entraîné. J’avais regardé le temps de la montée, je pensais même mettre une ou deux minutes de plus, j’étais dans un bon jour. »

Théo : « J’ai été pro pendant 4 ans et maintenant je suis amateur chez Pro Immo. Ce temps, c’était lors du Tour de l’Avenir 2012. C’était la première étape de montagne, une étape qu’on avait reconnue de bout en bout avec Bernard Bourreau (l’entraîneur de l’équipe de France des jeunes à l’époque). On arrivait groupés au pied, avec une grosse vitesse, et je me souviens que Warren Barguil est sorti sur la fin du col et c’est lui qui gagne l’étape. S’il avait lancé Strava ce jour-là, c’est lui qui aurait le KOM (rires). »

Le KOM du Galibier
Le KOM du Galibier - Capture d'écran Strava

Voilà pour les présentations, et ce qu’on peut résumer c’est qu’il n’y a pas de manière bien précise de réaliser un « KOM ». Tous avouent juste avoir eu « les bonnes jambes » ce jour-là, certains étaient seuls, d’autres en groupe. Mais ce dont nos trois loustics sont sûrs, c’est qu’ils n’auraient grosso modo pas tenu cinq minutes avec les boss du peloton. Même avec les bonnes jambes de ce jour-là.

« Je ne saurais même pas me situer, explique Théo Vimpère. Pour avoir couru avec les pros, c’est vraiment un niveau énorme, même le dernier c’est un très bon. » « Je pense que s’ils montent au tempo, je peux tenir cinq minutes avec eux, poursuit Julien Lodolo. L’autre jour, je suis tombé sur Warren Barguil lors d’un entraînement où il avait des choses précises à faire, j’ai réussi à le suivre un peu… » Seul Frédo a (un peu) la confiance : « A l’époque où j’avais la force de faire ce temps-là, j’aurai tenu dans le grupetto. Sur une montée hein, pas sur trois semaines. A l’avant ? Ça dépend s’ils se regardent, mais si ça part à fond, c’est pas possible de suivre. »

Le Tour va « faire exploser Strava »

Comment expliquer alors qu’ils tiennent tous les trois des records ? Bah d’abord parce que tous les coureurs n’ont pas Strava où ne le lancent pas à chaque fois qu’ils prennent le vélo. Ensuite parce qu’il existe 250 routes différentes pour escalader chacun des cols. Mais aussi parce que les pros ont parfois deux semaines de courses et 160 bornes dans les jambes quand ils arrivent sur place. Soyez-en sûrs, dixit Théo Vimpère, « Strava va exploser » quand le Tour va passer. Et les records de nos boys aussi.

Il suffit d’ailleurs de regarder les temps de la montée de la Planche des Belles Filles mercredi pour comprendre. Romain Bardet, 5e de l’étape, a collé 1’30 au précédent record de la montée, qui appartenait au puncheur belge Wout Van Aert. Et ils sont six en tout (et encore, on ne parle que de ceux avec Strava d’allumé) à le battre. Autant dire que nos amateurs ne vont pas résister longtemps.

La Planche des Belles Filles sur Strava après le passage du Tour
La Planche des Belles Filles sur Strava après le passage du Tour - Capture d'écran Strava

Et ce sera la fin d’une jolie histoire. « Oui c’est un peu une fierté, même si c’est un bien grand mot, sourit Frédo. Ça reste un jeu auquel on joue entre copains sur la montée locale. Je n’ai plus le même temps à consacrer au vélo qu’avant, alors je regarde mon patrimoine de KOM s’effilocher. »

Parfois battu par des pros, d’autres fois par des amateurs qui en ont fait un lifegoal d’en chopper le plus possible, façon Pokemon GO. « Moi je ne cible pas telle ou telle montée en me disant "tiens, je vais tenter le KOM", ajoute Théo Vimpère. Ça me rend un peu vert de voir ça d’ailleurs, car certains le fond. » Alors finalement, tant mieux si c’est un Bardet qui passe devant.

D’ailleurs, eux qui connaissent très spécifiquement les montées en question que le Tour empruntera d’ici quelques jours, ont-ils des conseils à donner aux coureurs ? « Je ne pense pas, ils reconnaissent et connaissent par cœur tous les cols clés », assure Julien Lodolo. Frédo conclut : « Il y a une quinzaine de jours, j’ai perdu le KOM sur la partie haute du Galibier face à Bardet, qui était à l’entraînement. Il m’a mis une minute sur un tronçon d’une demi-heure. Autant dire qu’il la connaît, pas besoin de lui donner le moindre conseil. »