Tour de France 2017: «Il se croit tout permis, il n’est plus mon ami»… Peter Sagan est-il un danger public?
CYCLISME•Après son exclusion du Tour, le champion du monde prend super cher, y compris dans le peloton…B.V.
Voilà donc l’heure du procès de Peter Sagan. Après des années et des années à encenser la bête, formidable raison d’aimer le vélo, le double champion du monde vient de se faire jeter du Tour de France pour son comportement de bourrin dans le sprint final de la quatrième étape remportée par Arnaud Démare à Vittel.
Résumons en une ligne : d’un coup de coude (a priori) volontaire, il a tassé contre la balustrade Mark Cavendish, forçant la chute de ce dernier. Un geste pas classe du tout qui lui vaut donc de faire ses bagages et une jolie réputation de danger public dans la course la plus médiatique de la saison. Justifiée ? Oui et non.
Dans le milieu, Peter Sagan est considéré comme un coureur « agressif et agile ». Traduisons pour les néophytes : « capable de prendre des risques mais vu qu’il maîtrise son vélo comme personne, en général ça passe ». « Je suis très surpris par ce geste, avoue l’ancien pro Steve Chainel. C’est un coureur très respectueux qui n’aime pas faire prendre des risques aux autres. C’est un acrobate qui a l’habitude de frotter (toucher un peu les autres coureurs pour gagner une position) mais de manière propre. »
En cause sur la première chute
Venu du VTT et du cyclocross, Sagan est sans doute le coureur qui contrôle le mieux un vélo dans tout le peloton. Vainqueur d’étape au sprint en 2003 sur le Tour de France, Jean-Patrick Nazon avoue lui aussi son étonnement face à « une gestuelle pas habituelle » pour Sagan. Enfin en tout cas jusque-là.
Car quand on relit le communiqué publié par les commissaires, où il lui est reproché « d’avoir sérieusement mis en danger plusieurs coureurs », on se demande si le Slovaque n’a pas fait le Grand Chelem. On s’explique : certaines images – que nous avons re-re-re-re-gardées - tendent à prouver qu’il a ses responsabilités dans la première chute dans le peloton à 1,5 kilomètre de l’arrivée en essayant de forcer le passage entre deux FDJ.
Avant donc de dégager Cavendish dans les balustrades. A l’arrivée à Vittel, André Greipel s’est lâché auprès de l’agence allemande SID :
« « Un type arrive en maillot de champion du monde, et il croit qu’il peut tout se permettre ! » »
Son directeur sportif,Marc Sergeant, rallonge au micro d’Eurosport :
« « André est énervé par l’attitude de Sagan. Il a fait des gestes qu’il ne devrait pas faire. Hier c’était la même chose au sprint intermédiaire, il a déjà donné un coup de coude à André. Deux fois de suite, ça fait un peu beaucoup. Greipel a dit "il n’est plus mon ami maintenant", et c’était 20 mètres après la ligne. » »
Est-ce que Sagan serait en train de se faire une bonne petite réputation dans le peloton ? Très possible. Sa victime du jour, Mark Cavendish, préfère calmer le jeu : « J’ai une bonne relation avec Peter, je veux parler de cela avec lui », résume-t-il.
Sans doute parce qu’il sait lui aussi que ce sont des choses qui arrivent dans un sprint. Il y a quelques années, son poisson-pilote et grand ami Mark Renshaw s’était d’ailleurs fait lui aussi exclure du Tour pour un combat de front en pleine course.
Et si c’était le jeu, tout simplement ? Steve Chainel :
« « Les sprints sont de plus en plus dangereux. Avant, il y avait un ou deux trains qui dominaient et tout le monde en file indienne derrière. Maintenant, tous les trains veulent emmener leur sprinteur devant alors ça frotte, ça devient un match de frottage, il faut passer par tous les moyens. Ils sont tellement sous pression que quand ils sont mal placés, ils tentent tout pour passer. Aujourd’hui, on voit bien qu’un garçon comme Greipel manque d’agressivité. Si ça continue comme ça, on va droit à la catastrophe. » »
Alors au final, on peut se dire que la sanction contre Peter Sagan est un poil sévère. Et se dire aussi que si elle permet d’éviter des chutes plus terribles à l’avenir, elle aura fait une belle jurisprudence. Non ?