OMNISPORTSRugby: Pourquoi gérer un club sportif comme une entreprise est impossible

Fusion Racing 92-Stade Français: Pourquoi gérer un club sportif comme une entreprise est impossible

OMNISPORTSLa fusion avortée entre le Stade Français et le Racing 92 a soulevé bien des questions, dont celle de la gestion des clubs par leurs dirigeants...
W.P.

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Une fusion avortée et tout le monde repart comme si de rien n’était. C’eut été beau. Mais la vérité, c’est quele projet avorté de fusion entre les deux clubs rivaux que sont le Racing 92 et le Stade Français laissera des séquelles, voire fera jurisprudence. Ce n’est pas un hasard si, le président de la LNR Paul Goze « souhaite rencontrer comme prévu, cette semaine », celui de la Fédération française de rugby (FFR) Bernard Laporte « afin d’échanger sur le dossier et […] pour en tirer tous les enseignements pour le futur. »

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Des enseignements, le sulfureux président du RC Toulon, Mourad Boudjellal, en tire déjà plusieurs, dont un en particulier :

« « On a deux présidents qui se sont rendu compte que c’était plus compliqué de faire fusionner deux clubs de rugby que deux sociétés civiles immobilières. » »

Traduction : on ne gère pas un club de rugby comme on gère une entreprise lambda. Vraiment ? « Au contraire, je pense que c’est une entreprise comme une autre. Dans le cas du Stade Français et du Racing, le vrai problème, c’est justement qu’ils ont oublié qu’ils étaient patrons, ils ont oublié le dialogue social avec les salariés », explique à 20 Minutes le sociologue du sport Sébastien Fleuriel.

« C’est à la fois une équipe et une entreprise »

Ou se cache la vérité ? Difficile à dire. Il fallait donc demander aux personnes idoines, ces chefs d’entreprise (ou personnes occupant de hautes fonctions au sein de grands groupes) ayant décidé de prendre la tête d’un club sportif professionnel, de trancher sur la question.

Président du LOU rugby depuis 2012 après avoir occupé le poste de directeur général de GL Events au Moyen-Orient pendant trois ans, Yann Roubert est plus partagé que le sociologue. « C’est à la fois une équipe et une entreprise. Ce n’est ni que l’un ou l’autre. Si on devait se comparer à l’industrie, je dirais que nous, on produit du jeu. Le but pour nous n’est pas seulement d’atteindre des objectifs financiers, il faut aussi et surtout des résultats sportifs », étale-t-il.

Egalement contacté par 20 Minutes, le président du club de basket des Sharks d’Antibes, Frédéric Jouve, abonde dans ce sens.

« « Dans le sport, il y a des présidents qui se moquent de la rentabilité pour acquérir des joueurs parce qu’ils veulent à tout prix des bons résultats. Autre chose. En France, les stades de Ligue 1 n’affichent que 60 % de remplissage et pourtant la masse salariale est à la hausse. Cela va totalement à l’encontre de ce qui se fait dans les affaires et ça prouve bien que c’est une discipline à part. » »

A en croire le patron des Sharks, le management humain se veut également différent dans le cadre du sport professionnel. « Au vu du salaire perçu par les employés que sont les joueurs et le staff ainsi que le fait qu’ils soient animés par une certaine passion pour leur sport, on est en position d’en demander plus qu’à des salariés qui gagnent moins et ne sont pas forcément passionnés par leur travail », expose-t-il.

Le poids de l’histoire…

Mais la principale divergence entre les deux univers, entre le rôle de boss d’une grosse boîte et celui de patron de club, réside dans la dimension culturelle du sport. C’est d’ailleurs précisément sur cet os que Jacky Lorenzetti et Thomas Savare ainsi que leur projet de fusion du Racing 92 et du Stade Français se sont cassés les dents. Yann Roubert :

« « Un club est une entreprise où l’histoire, les victoires et le palmarès ont une valeur très importante. Dans ce contexte, il faut non seulement prendre en compte l’avis des salariés mais aussi des supporters, qui ont leur mot à dire. » »

La grève des joueurs et des supporters du Stade Français, le 13 mars à Jean Bouin
La grève des joueurs et des supporters du Stade Français, le 13 mars à Jean Bouin - CHRISTOPHE SIMON / AFP

En l’occurrence, il était inconcevable pour les fans du Stade Français de tirer un trait sur une rivalité centenaire avec le Racing et encore moins de s’unir à l’ennemi juré (et vice-versa). « Dans le monde de l’entreprise, la fusion-acquisition est une histoire d’avocats et d’économie sur le long terme. On en voit tout le temps et pourtant ça ne déclenche pas des grèves tous les jours à l’inverse de l’annonce de la fusion du Stade Français et du Racing 92. Preuve encore que ce ne sont pas deux mondes équivalents », insiste Frédéric Jouve.

Et de conclure « Les fusions entre rivaux sont vouées à l’échec. Culturellement, c’est impossible. Vous imaginez l’Atlético de Madrid s’unir au Real Madrid, le Milan à l’Inter ou São Paulo aux Corinthians ? C’est une erreur de penser que c’est possible. »