Histoires improbables de JO d'hiver (3/5): Pourquoi la meilleure histoire de triche aux Jeux est probablement un fake
JEUX PARALYMPIQUES•L'histoire se serait déroulée à Turin, en 2006, et mettrait en scène une athlète russe...William Pereira
Pour bien farter les skis avant de prendre les pistes à Pyeongchang à partir du 10 février, 20 Minutes vous propose toute cette semaine de revenir sur des histoires insolites qui ont marqué les Jeux olympiques d’hiver. On continue cette série avec un article publié en 2016 sur une vraie-fausse histoire de triche aux jeux Paralympiques de Turin, en 2006.
La triche aux JO est un sujet à la mode. En attendant la décision du Tribunal Arbitral du Sport (TAS), qui va devoir trancher sur la présence (ou non) des athlètes russes à Pyeongchang, on va vous raconter une autre belle escroquerie. Enfin... si elle a vraiment existé.
C’est l’histoire d’un « fail »…
L'histoire revient un peu partout dans les médias quand on google « triche jeux olympiques ». C'est celle d’une athlète russe valide qui se serait infiltrée dans une course de ski de fond pour malvoyantes aux Jeux de Turin, en 2006, et qui, en voyant – et c’est bien là le problème - que son chrono était synonyme de médaille olympique, aurait tout simplement sauté de joie et se serait ainsi lamentablement grillée auprès de l’assistance.
Qu’est-ce qui cloche ?
Plein, plein, plein de trucs.
- Déjà, on nous dit que l’info vient du très sérieux Der Spiegel, mais le quotidien allemand ne balance aucun nom et se contente d’avancer que « des athlètes rient encore » de cette histoire. Vachement précis, tout ça.
- On ne trouve aucune trace officielle relatant les « faits »
- Même la page Wikipedia « cheating at the paralympic Games » ne parle pas de ce présumé épisode. C’est dire si le niveau de suspicion est élevé.
- Il n’y a ni images, ni vidéos de la scène sur internet alors que la caméra, l’appareil photo, la télévision, internet et même YouTube – créé en février 2005 – existaient déjà.
- On a interrogé des officiels du clan français qui n’ont aucun souvenir de cette histoire. A commencer par Yves Maréchal, directeur technique du ski nordique français de l’époque.
« « Je ne me souviens pas d’un tel épisode à Turin. A ce niveau-là, je pense que ça m’aurait marqué. D’autant que j’étais coach et que sur ces épreuves, il y avait la skieuse Emilie Tabouret. Je m’en serais souvenu. » »
Faute d’avoir réussi à joindre Emilie Tabouret, (par ailleurs double médaillée à Salt Lake City en 2002), on s’est donc rabattu sur sa guide lors de ces fameux Jeux paralympiques de Turin, Sophie Rey.
Là encore, même son de cloche. « J’y étais, et cette histoire ne me dit rien du tout. Ça doit être des conneries. Tout est super contrôlé. Avant d’avoir le droit de courir en handisport, les athlètes sont soumis à des contrôles assez stricts. ». Bim. C’est assez clair.
Pourquoi on peut quand même penser que cette histoire est réelle ?
Parce que le handicap visuel est le plus difficile à cerner. Pour pouvoir concourir dans la catégorie des malvoyants, il faut que l’acuité visuelle d’un athlète soit évaluée à moins de 10 %.
Le hic, c’est que malgré l’avancement de la technologie et les outils dont disposent les médecins, c’est une donnée qui reste difficile à évaluer pour les spécialistes. Le cas de la nageuse allemande Yvonne Hopf est en ce sens édifiant. Quintuple médaillée paralympique dans la catégorie des malvoyants, elle avait dû arrêter sa carrière après qu’il avait été prouvé que sa vision était supérieure à 10 %.
Autant dire qu’il n’est pas impossible qu’une athlète aux capacités visuelles trop élevées ait pu participer aux courses de ski de fond à Turin, en 2006. En revanche, il est impossible, hors cas de trucage, qu’un médecin ait laissé passer une personne à l’acuité visuelle « normale ».
Pourquoi tout le monde a envie d’y croire ?
Parce que c’est cocasse. En 2016, l’histoire d’une coureuse voyante qui s’infiltre parfaitement dans une course réservée aux malvoyantes, qui fait le plus dur en décrochant un podium olympique avant de tout gâcher en matant allègrement le tableau d’affichage aurait fait quatre fois le tour des internets.
Et parce que dans la team 20 Minutes, on imagine vraiment une scène gênante à la François Feldmann au Téléthon, en 1996.
aTaux de crédibilité de l’histoire : 1 %
Et encore, c’est gentil. Il y a trop de preuves qui laissent penser que l’histoire est bidon. Mais comme rien ne permet d’affirmer avec une totale et parfaite certitude (vive les pléonasmes) que c’est du fake, il est impossible d’abaisser la note à zéro…
>> Demain, on vous raconte le jour où la Corée du Nord a gagné une médaille aux JO d'Albertville...