Euro 2016 : Devant l'Elysée, joueurs et supporters n'avaient pas le cœur à faire la fête
GUEULE DE BOIS•François Hollande recevait les joueurs de l'équipe de France à l'Elysée à l'occasion d'un déjeuner, après la défaite en finale de l'Euro 2016 contre le Portugal...William Pereira
Il est midi. Le soleil réchauffe par intermittence la rue du Faubourg-Saint-Honoré. Face à l’Elysée, deux femmes parlent en portugais. « Bon, ils sont là ou pas ? Ils arrivent quand les joueurs ? » Ces joueurs, ce ne sont pas ceux de la Selecção, alors déjà en route pour Lisbonne, mais bien ceux de l’équipe de France, attendus au Palais présidentiel à 12h45. Ils arriveront avec un quart d’heure de retard à bord de berlines aux vitres teintées. Sur place, une centaine de personnes, peut-être deux, attendent leurs héros malheureux.
C’est le cas de Caroline, qui dit avoir préféré se « mettre au lit rapidement plutôt que de noyer ma peine dans l’alcool » après la défaite de dimanche soir. « Il faut montrer aux joueurs qu’on les soutient, même dans la défaite », ajoute-t-elle. Jorge, un Portugais installé dans le quartier de la Gare-Saint-Lazare depuis 23 ans, y met aussi du sien. « C’était un très bon adversaire, je viens les féliciter. Je ne suis pas là pour les chambrer, je les respecte », assure-t-il.
Timide ambiance et Marseillaise avortée
Malgré toute la bonne volonté des uns et des autres, l’ambiance n’y est pas. « J’ai l’impression d’assister à un enterrement », dit un ouvrier en pause arrivé sur les lieux un peu par hasard, en voyant Antoine Griezmann, mains dans les poches, le regard dans le vide. Les timides saluts lointains de Blaise Matuidi et Paul Pogba semblent traduire un sentiment de gêne, voire de honte, de la part de ces derniers. De l’autre côté de la route, on n’en tient pas trop rigueur. La foule entonne brièvement des « merci les Bleus, merci les Bleus », sans réelle conviction. Une Marseillaise est lancée mais s’évanouit aussitôt. Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas. Bientôt, les joueurs franchissent le seuil du palais de l’Elysée dont les portes se ferment froidement. Matteo, 8 ans, est déçu. « Je voulais un autographe de n’importe quel joueur. Même si mon préféré, c’est Griezmann. »
Quand François Hollande et Laurent Koscielny font la bise
Sur le perron, François Hollande attend des joueurs qu’il a du mal à réconforter, comme en atteste sa poignée de main avec Paul Pogba. On retiendra néanmoins la bise échangée avec Laurent Koscielny, dont la famille est issue de Tulle, ancien fief du président de la République. « Le samedi, pendant le marché, il faisait la bise à tout le monde. Voilà (le tutoiement et la bise) c’est resté », avait raconté le joueur d’Arsenal dans L’Équipe quelques jours avant le début du tournoi afin d’expliquer cette habitude.
Olivier Giroud très touché par le discours de François Hollande
En dépit de la tristesse ambiante, le déjeuner présidentiel donne l’impression d’avoir fait l’effet d’un antidépresseur pour les joueurs de l’équipe de France. En cuisine, Antoine Griezmann retrouve le sourire le temps d’une photo avec Guillaume Gomez, chef des cuisines de l’Elysée. Sur le chemin du retour, Olivier Giroud déclare, à la presse, avoir « été très touché par le discours de François Hollande. » Il n’est pas le seul. Caché derrière ses lunettes de soleil parées d’or, le visage de Paul Pogba se détend quelque peu, tandis qu’Adil Rami, tout sourire, se lance dans une série de selfies avec les spectateurs ayant eu le courage de patienter plus d’une heure derrière les barrières posées par les autorités.
aLe spleen de Patrice Evra
Patrice Evra se prête au même jeu que son compagnon de défense, mais semble, lui, particulièrement affecté. A 35 ans, il sait mieux que quiconque que ses jours au plus haut niveau sont comptés, et que cet Euro était sans doute le dernier pour lui. Pour les autres, il s’agira maintenant de repartir de l’avant. « Il y a eu les quarts de finale au Brésil et la finale hier [dimanche]. On progresse. Je suis sûr que ce n’est pas la fin mais le début de quelque chose de très beau » conclut, optimiste, Caroline. Le mondial 2018 dira si elle avait raison ou non.