En Espagne, on appelle ça « los maletines » et cela fait partie du folklore local, comme on dit avec un peu de mépris au sujet des pratiques qui dépassent notre petit esprit étriqué. Le concept ? Proposer de l’argent en liquide sous la table pour inciter les équipes qui n’ont plus rien à jouer à faire le job en fin de saison, quand d’autres ont encore l’espoir de remporter le titre où bien d’éviter la descente. Comme chaque année ou presque, la polémique a refait surface avant la dernière journée de championnat.

Pour vous planter le décor rapidement

• Le Real Madrid a besoin d’un faux pas de Barcelone à Grenade pour être champion samedi
• Grenade vient d’assurer son maintien et les joueurs ont passé leur semaine à profiter de la vie et des tapas gratuites du Sacromonte
• Le Barça vient de planter environ 50 buts sur les trois derniers matchs

La solution ? Un petit bifton ni vu ni connu aux joueurs de Grenade pour les inciter à tout donner quand même. L’idée générale étant que le Real se gênera d’autant moins qu’il estime avoir été lésé de deux championnats de la même façon par le Barça. C’était au milieu des années 90, à Tenerife, et à chaque fois les Merengue s’étaient inclinés lors de la dernière journée aux Canaries contre des rivaux démobilisés en apparence mais surmotivés le jour J.

Témoignage du capitaine de Tenerife à l’époque : « Je ne sais pas pourquoi ça fait tant de bruit, c’est une habitude dans le foot espagnol. Je ne peux pas vous dire si ça venait du Barça, mais on avait reçu plusieurs coups de téléphone pour nous proposer de l’argent. Un jour, un type, entre 30 et 40 ans est venu au stade et m’a remis un sac plastique avec de l’argent (entre 15 et 25 millions de pesetas à l’époque selon El Pais). Je ne sais pas qui est-ce qu’il représentait, j’ai pris le sac et j’ai partagé avec 21 joueurs et certains membres du club. Seul l’entraîneur n’était pas dans le coup à l’époque. »

On vous épargne les autres exemples, mais sachez qu’il y en a eu assez pour que la Ligue espagnole finisse par taper du poing sur la table. Les « primes à la gagne » sont désormais interdites en Liga. Enfin, en théorie. Sachez que les médias madrilènes ont fait monter la sauce bien comme il faut cette semaine. L’origine du mal ? Une interview plus ou moins bien traduite de Kelava, le portier de Grenade, qui aurait prononcé la phrase fatidique : « On ne s’est pas entraînés beaucoup cette semaine, mais mes coéquipiers m’ont dit que c’était normal de stimuler les joueurs des autres clubs. C’est pour ça que le Real Madrid pourrait verser un petit bonus pour qu’on arrête le Barça. »

Coup de trique immédiat du président grenadin pour éteindre l’incendie à temps et rétropédalage de Kelava, mais trop tard le mal est fait. Pour vous dire où on en est, sont désormais exhumés les liens d’amitié entre ce bon Kelava et Kovacic, le milieu madrilène, comme si les deux Croates n’avaient pas le droit d’être amis dans un championnat étranger. Ce qui est toujours moins pathétique que de mettre en avant la naissance du petit garçon de Javi Marquez, milieu de terrain de Grenade, opportunément nommé… Modric. Un prénom un peu chelou pour un Espagnol, il faut l’avouer.

Evidemment, on ne sait pas si le Real va payer ou pas, d’autant que Dimitri Foulquier, le défenseur français de Grenade, n’a pas donné de nouvelles. Mais tout ça fait bien rigoler quand on sait que le Barça devrait gagner 5-0 sans se décoiffer. Prime ou pas prime.