FOOTBALLPourquoi les politiques aiment tant s'immiscer dans la vie des Bleus ?

Affaire Benzema: Pourquoi les politiques aiment tant s'immiscer dans la vie des Bleus ?

FOOTBALLManuel Valls et Patrick Kanner ont effectué des sorties remarquées sur le cas de Karim Benzema...
Nicolas Camus

Nicolas Camus

On ne voudrait surtout pas vous mettre la pression, mais un peu quand même. Ces deux derniers jours, le ministre des Sports Patrick Kanner et le chef du gouvernement Manuel Valls ont donné leur sentiment sur le cas Benzema, soulignant que les conditions n’étaient « pas réunies » pour un retour du Madrilène en équipe de France. Un rappel à l’ordre à peine voilé à destination de la FFF et de Didier Deschamps, en pleine campagne de réhabilitation de l’attaquant depuis la levée du contrôle judiciaire de ce dernier, la semaine passée.

Ces sorties ont eu le don de crisper le monde du foot. « Ils sont sur un jugement de valeur, de la morale à deux balles », juge Sylvain Kastendeuch. Le coprésident de l’UNFP (le syndicat des joueurs) admet bien évidemment que le ministère des Sports, de qui la FFF tient son pouvoir, peut s’exprimer, mais il met en cause le contenu du message. « Il n’y a rien de concret, ils livrent juste un sentiment. Soit il a des arguments pour dire que les conditions ne sont pas réunies, soit ce n’est pas le cas et il doit faire confiance à celui à qui il a donné délégation pour gérer l’équipe de France. Là, plutôt qu’arranger les choses, ça va les compliquer encore plus. »

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Pourquoi les politiques s’expriment-ils ainsi sur toutes les polémiques qui touchent les Bleus ou un joueur français important, alors ? « L’opinion publique est certainement à une dimension à prendre en compte. Dès qu’on parle de foot, c’est quelque chose qui est repris, donc ça porte », estime Kastendeuch. Vrai. « Les hommes politiques se sentent obligés d’intervenir dans le sport qui est le plus populaire dans leur pays, abonde Arnaud Mercier, professeur à l’Institut français de presse (IFP) et spécialiste en communication politique. Le basket aux Etats-Unis, le judo au Japon, le rugby en Nouvelle-Zélande, le foot en France… Ça leur garantit une visibilité et atteste de leurs liens avec les milieux populaires. »

De l’empathie vis-à-vis des victimes

D’accord, mais une prise de parole sur un sujet aussi polémique peut être à double tranchant. Si un homme politique ne prend pas trop de risques en chantant « et un, et deux, et trois, zé-ro » après une victoire en Coupe du monde, il n’en sera peut-être pas de même s’il estime que le meilleur buteur actuel des Bleus n’est pas le bienvenu avant un Euro à domicile.

Pour Arnaud Mercier, deux éléments sont à prendre en compte pour expliquer ces sorties médiatiques. « Il est bon pour les politiques de marquer de l’empathie vis-à-vis des victimes, en l’occurrence Valbuena dans cette affaire. On peut s’intéresser au foot, mais sans sacrifier certains principes. Et puis cela tient à la personnalité de Manuel Valls. Il veut se présenter comme un père la rigueur, au sens moral du terme. Il se met dans la position de quelqu’un qui sait dire les choses lorsqu’il y a des dérapages. » Ce n’est donc pas pour rien que le Premier ministre a rappelé qu’un « grand sportif se devait d’être exemplaire par rapport à la jeunesse ». Sur ce point, la réponse est venue de l’intéressé, très agacé.

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Entre la politique et le sport, c’est une longue histoire. Et pas besoin de remonter jusqu’aux Jeux de Berlin en 1936 ou à la diplomatie du ping-pong lors de la Guerre froide pour s’en rendre compte. Plus près de nous, l’épisode de Knysna en 2010 avait déclenché une véritable tempête, le président Sarkozy envoyant Roselyne Bachelot et Rama Yade au front pour réclamer des lourdes sanctions contre « les caïds immatures » qui avaient pourri la vie des Bleus. La Fifa s’était sentie obligée d’intervenir, menaçant la France « d’intervenir » en cas d’ingérence dans les affaires de la FFF.

Pas de panique, cela ne devrait pas aller jusque-là. On est dans la posture politique, pas dans l’ultimatum avant de déclarer une guerre. « Les autorités sportives peuvent le prendre comme une pression morale implicite, mais Manuel Valls ne poussera pas le bouchon jusqu’à aller au clash avec la FFF si elle décidait que Benzema était à nouveau sélectionnable, assure le professeur de l’IFP. Il ne cherche pas la bagarre, il veut juste afficher une posture ».

Même si ça ne fait pas forcément avancer le débat. « La responsabilité d’un homme politique est aussi d’être constructif et d’essayer d’arranger les choses plutôt que faire une déclaration comme ça, assène Kastendeuch. C’est gênant, gratuit et démago. » Mais ça peut faire gagner des points dans les sondages.

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