Euro de hand: «L’idée ce n’était pas de faire du rottweiller», raconte Cyril Dumoulin
HANDBALL•Le gardien, champion du monde il y a un an, a raconté le nouveau sacre des Experts de l'intérieur dans un livre...Propos recueillis par Antoine Maes
Cet hiver, Cyril Dumoulin n’est pas un Expert. Enfin pas cette fois. Champion du monde il y a un an au Qatar, le gardien de Toulouse est resté chez lui, alors que les Bleus jouent une place en demi-finale de l’Euro, mercredi, face à la Norvège. Mais son passage en équipe de France, le gardien de Toulouse fait plus qu’en garder un souvenir : il en a fait un livre. Journal d’un Expert (Jacques Marie Laffont Editeur), sorti début janvier, est le témoignage le plus proche que vous pourrez lire sur la meilleure équipe de sport collectif de l’histoire du sport français.
D’où vient l’idée de raconter son aventure de l’intérieur ?
J’avais fait deux livres comme ça quand j’étais à Chambéry, en autoédition, et sur toute la saison. Et ça a plu à mon éditeur. Ce qui lui a plu c’est de raconter ça sans le style classique de la communication dans le sport. C’est assez sincère, assez brut. Il s’est dit qu’il fallait quelque chose de plus intense et de plus condensé pour un autre livre. Le Mondial 2014 arrivait, et on s’est dit que s’il y avait une belle histoire là-bas ça pouvait valoir le coup de la partager. Donc je me suis lancé, et au fur et à mesure des jours, la belle histoire se mettait en place.
« C’est l’heure de commencer la lecture ! @CyrilDumoulin écrivain pic.twitter.com/liWKj9S9XB — Angie (@alias0985) 24 Janvier 2016 »
Est-ce que ça a été facile de le faire accepter à Claude Onesta et au reste de l’équipe ?
Ça s’est fait très facilement. Le gros avantage c’est que j’avais déjà fait ça sur mon club, ce qui m’a permis de le présenter aux mecs. Il y a eu un peu de crainte, ils se sont demandé ce que j’allais écrire, ils avaient un peu le sentiment d’avoir un espion parmi eux. Mais ils ont compris que ce n’était pas le cas. Il y a, non pas de la censure, mais une forme de tri. L’idée c’est de raconter une histoire, et certaines choses n’y trouvaient pas leur place. Il n’y a eu aucun souci.
Avouez que vous avez enlevé toutes les engueulades entre vous…
Non (rires) ! En toute honnêteté, je n’ai pas le souvenir d’avoir vu de vraies engueulades. Des petits coups où ça râle, où ça gueule pendant les entraînements, oui. Mais rien de bien extraordinaire. L’idée ce n’était pas de faire du rottweiller, ce n’est intéressant ni pour moi ni pour eux. Mais il n’y a pas une censure complète où on se dit « tout est bon tout est rose ».
C’était compliqué de trouver l’équilibre écrivain/sportif ?
Non, c’est quelque chose que je fais depuis très longtemps. A l’origine, c’est un travail que je menais avec ma préparatrice mentale. Je couchais mes impressions après les matchs. Au début c’était sur moi-même, l’idée c’était de repérer ce qui revenait régulièrement. Pour ensuite axer mon travail par rapport à ça. Donc je fais ça assez facilement, il faut un ou deux mots pour que ça devienne un paragraphe.
« Fin de la période de travail ! On rentre en mode compèt avec la Golden League !!! #bleuetfier #prepa #EHFeuro2016 pic.twitter.com/FSEYyziKQI — Cyril Dumoulin (@CyrilDumoulin) 6 Janvier 2016 »
Bon alors c’est quoi le secret de cette équipe ?
On le voit en le lisant le livre ! Non, c’est énormément de petites choses. C’est un management particulier, dans le sens « unique ». C’est l’accumulation de pleins de petits détails, mais surtout, aucun de ces détails n’est laissé au hasard. Il y a un équilibre entre les vieux et les jeunes, une capacité individuelle de tout donner pour ce maillot et mettre son ego de côté, et des talents démesurés à de nombreux postes.
En termes de talent démesuré, vous avez été servi avec Thierry Omeyer…
C’est quelque chose de facile à raconter finalement. Les rôles sont bien définis, ils sont clairs. Les gens savent où ils doivent aller et comment y aller et ça, ça aide énormément. Si tu ne sais pas trop où tu vas, là tu peux te perdre, et nourrir de la frustration. Au Qatar, je sais dans quel rôle j’y vais. Je sais quelles sont mes responsabilités, mes missions. Donc c’est facile à gérer, la frustration existe beaucoup moins. Elle existe toujours quand tu joues moins que l’autre, c’est normal, mais quand tu le sais et que tu l’acceptes… On te dit : « j’aurai besoin de toi dans ce rôle-là, si ça ne te va pas je prends quelqu’un d’autre ».
C’est Claude Onesta qui dit ça ?
Oui, mais ce n’est pas un discours qu’il a tenu particulièrement à moi. Il y a des statuts de cadres. Et des statuts de remplaçants, avec des rôles et des responsabilités différents et complémentaires. Lui construit son équipe sur cet équilibre-là.
La montée en puissance de Didier Dinart sur le banc, c’est naturel aussi ?
C’est la continuité. Claude, on l’a vu reculé sur le plan de l’entraîneur pur et dur, se transformer plus en manager. Maintenant que Didier est tout seul, il s’est imposé dans ce rôle-là. Ça s’est validé petit à petit. Claude a senti qu’il pouvait lâcher chaque fois un peu plus, parce que chaque fois c’est validé pour le terrain. Ça se met en place naturellement. C’est simple parce que c’est réfléchi, construit, dit. Du coup c’est accepté. A partir de là, il n’y a pas de raisons que les gens se tirent dans les pattes. Si c’est le cas un jour, ils seront écartés du groupe, parce que c’est le système qui prédomine sur le reste.