Réchauffement climatique: Mais à quoi ressembleront les sports d'hiver en 2100?
SKI•Le manque de neige se fait de plus en plus ressentir dans les stations de ski et pourrait perturber les compétitions sportives...Romain Baheux
Il n'a même pas fait semblant d'être surpris par la demande. « Le réchauffement climatique ?, lâche Johan Clarey depuis le standard de son hôtel de Val Gardena en Italie, où se tient ce week-end une étape de la Coupe du monde de ski alpin. Ah oui, ça a des impacts sur mon sport, je confirme. » A vrai dire, on se doutait que le descendeur français serait sensible à la question, évoquée largement ces dernières semaines avec l’organisation de la COP 21 à Paris. Son outil de travail, la neige, est directement menacé par les évolutions climatiques. En novembre, le slalom de Levi, ville située au-dessus du cercle polaire en Finlande tout de même, a été annulé par manque de flocons.
« Ouverture saison de ski alpes du sud sur neige artif et sous la pluie. Réchauffement climatique ?#COP21 pic.twitter.com/H93xqfkvcX — Eric Franceschi (@EricFranceschi) 5 Décembre 2015 »
« Des serpents de neige au milieu de la terre »
« A Val Gardena, il n’y a pas un millimètre de neige dans les rues de la station, raconte Johan Clarey. Les canons à neige ont tracé des grands serpents de neige au milieu de la terre pour que l’on puisse s’entraîner. Ça montre le problème, ça m’inquiète pour l’avenir de la discipline. »
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Si ça n’a sans doute pas le quoi le rassurer, des scientifiques se sont déjà penchés sur le problème. Juste avant les Jeux olympiques de Sotchi en 2014, des chercheurs de l’université canadienne de Waterloo avaient publié un rapport sur le sujet. L’étude (disponible par ici) prévoyait la possibilité d’organiser l’événement en 2080 dans seulement six des dix-neuf villes ayant déjà accueilli des Jeux olympiques d’hiver si d’ici là, la température moyenne augmentait de 4,4 °C, l’hypothèse haute du réchauffement.
Albertville pourrait encore accueillir les JO en 2080. / Université de Waterloo
« Il n’est pas actuellement question qu’il n’y ait plus de neige, mais une réduction de la durée de la saison d’enneigement, souligne Robert Vautard, spécialiste de l’impact des changements climatiques au CNRS. Plus on montera en altitude, plus on en aura. » « La variabilité d’une saison à l’autre restera très importante, poursuit Samuel Morin, directeur du Centre d’études de la neige de Météo France. Entre 1.000 et 2.000 m dans les Alpes, un scénario tout à fait envisageable serait par exemple de ne pas avoir de neige en 2080 et d’en avoir en 2081. »
Illustration de la fonte des neiges au col de Porte dans les Alpes. / CNRS, Centre d’études de la neige, Grenoble
Bref, de quoi bien compliquer la vie des skieurs. Vous allez me dire, il y a des solutions techniques pour pouvoir garantir l’organisation de compétitions à l’horizon 2100. Oui, mais elles ont des limites :
- Les canons à neige sont efficaces, « mais seulement si la température est inférieure à 0 °C, note Samuel Morin. Le principe même de cet outil est de disperser des petites gouttes d’eau qui vont se congeler dans l’air ambiant pour former de la neige. S’il ne fait pas assez froid, ça ne fonctionne pas. »
- Le stockage de neige en amont, utilisé lors des JO de Sotchi, peut s’avérer utile durant quelques semaines hivernales, mais guère plus. « La difficulté numéro 1, c’est de gérer la ressource, souligne le directeur du Centre d’études de la neige de Météo France. Il fait chaud dans les Alpes l’été, donc cela finirait par fondre. Et même si vous la conserviez, elle ne serait pas suffisamment meuble pour être ensuite étalée et damée sur les pistes. »
Une fois tout cela en tête, on a essayé d’imaginer à quoi pourrait ressembler une saison de sports d’hiver d’ici à la fin du siècle.
Une saison plus courte
« Pour éviter de prendre trop de risques, il faudra organiser les événements au cœur de l’hiver, au moment le plus froid », estime Robert Vautard. Terminé les ouvertures de saison en novembre, il nous faudra alléger le calendrier condenser l’affaire sur les mois de janvier et février.
Le ski de fond et le biathlon changeront de visage
L’héritier de Martin Fourcade domptera-t-il la concurrence en ski-roues ? Plus sérieusement, l’altitude plus basse des sites des fondeurs inquiète, même si leur discipline n’est pas la plus gourmande en neige. La solution semble de leur dégager des sites à des altitudes plus élevées – ce qui est assez compliqué au regard des distances à parcourir – ou d’émigrer en indoor (on y arrive au point suivant).
On est parfois très limite sur le biathlon. / AFP
Une partie en indoor
Une température modulable, un site protégé des vents tourbillonnants, une piste parfaitement damée, « mais l’indoor, ça n’est pas la philosophie du ski alpin, grince Johan Clarey. En plus, c’est difficile d’organiser autre chose que des slaloms car les descentes sont forcément assez peu longues. » Pour info, Dubaï a annoncé en août le lancement d’un projet de construction d’une piste indoor de 1,2 km de long. Et pourquoi pas une manche de Coupe du monde dans le Golfe ?
De la mauvaise neige
Même si le ski alpin se pratiquera encore en extérieur, la hausse des températures risque d’affecter la qualité de la neige. « On le constate déjà sur les pistes. C’est comme si vous vouliez trancher de manière précise du beurre mou. La neige est très humide, ça n’est pas agréable à skier », raconte Johan Clarey.
Et si la COP21 a fixé comme objectif d’une hausse de « seulement » 1,5 C° des températures à l’horizon 2100, « on aura, dans les scénarios les plus optimistes, au mieux un maintien des conditions actuelles, développe Samuel Morin. On ne reconnaîtra pas des enneigements moyens passés. » Ce n’est pas ça qui va nous reblanchir les rues de Val Gardena.