Andy Delort: «Mon fils de 2 ans est parti pour avoir les mêmes mollets que moi»
INTERVIEW•L'attaquant de Caen est une des belles surprises de ce début de saison en Ligue 1...Propos recueillis par Nicolas Camus
Lui, c’est Andy Delort. Un mec de 24 ans au parcours atypique, qui a refusé Dortmund à 17 ans après un essai concluant, qui a joué avec Cantona en équipe de France de beach soccer et qui a une grosse frappe de mule (cc l’OM). Surtout, l’attaquant de Caen est un joueur à l’image de son équipe depuis le début de saison : en feu. Etonnants troisièmes du championnat - à égalité avec le 2e, Angers -, les Normands ont l’occasion d’aligner une quatrième victoire d’affilée contre Nantes, vendredi. Et leur atout numéro 1 se nommera encore Delort, trois buts et deux passes déjà. Interview gros mollets.
Un mec qui a déjà pas mal vadrouillé à 24 ans. Treeeeemble, Xavier Gravelaine.
Alors comme ça, vous avez joué en équipe de France de beach soccer ?
Oui ! Dans ma région de Sète, on y joue beaucoup. J’en fais depuis petit, et pendant l’été 2009 j’avais fait un tournoi où j’avais terminé meilleur buteur. Laurent Castro, qui fait partie du staff de l’équipe de France, était là. Il est venu me voir et m’a demandé si ça m’intéressait de venir pour disputer les qualifications au Mondial. J’ai dit oui ! Jouer avec Cantona, c’était énorme. Ça a duré juste le temps de ce tournoi, le staff savait que c’était pour m’entretenir et que j’aspirais à une carrière à onze. Ensuite je suis parti à Nîmes.
C’est un peu flou, mais c’est bien lui avec le numéro 14/Crédit Girondins4ever
Et cette histoire d’essai à Dortmund, qu’est-ce qu’il s’est passé ?
En fait, ça s’est bien passé sur le terrain, mais je ne me sentais pas prêt. La langue, le pays, il y avait trop de choses qui n’allaient pas le faire. Je le sentais. Et puis j’étais jeune. J’étais prêt à intégrer un club professionnel, à quitter ma maison, mais pas non plus prêt à changer complètement de vie. Là-bas, ils voulaient me faire dormir dans une famille d’accueil, comme c’est le cas pour tous les jeunes qui arrivent. Ça, ça m’a stoppé direct. Si j’y étais allé, je ne m’y serais pas senti bien. C’est ce que j’ai dit à mon père en rentrant, il l’a compris.
Vous êtes au courant que vous avez la plus grosse frappe de balle du championnat ?
C’est vrai, je pense que je ne suis pas loin d’avoir la plus grosse (rires). Je l’ai depuis très jeune cette frappe de balle. Et je la répète à l’entraînement, encore et encore. Là j’essaie de travailler la précision, parce que mettre des patates c’est bien, mais les cadrer c’est mieux. Je sais qu’avec ma frappe, si je cadre c’est compliqué pour le gardien adverse. Maintenant, j’essaie de plus varier. Enrouler, piquer, tout ça…
Le but qui symbole votre style, c’est celui inscrit contre l’OM ?
Ah là là, quel souvenir… Surtout qu’il y avait mon père et mes amis dans les tribunes. Ça a été un grand moment à vivre. En plus j’étais fan de l’OM quand j’étais petit.
C’est un but à la Papin. C’était votre idole ?
Oui, quand j’étais petit, mon père me mettait des cassettes vidéo de ses buts, je les regardais en boucle. Encore maintenant, je regarde ses actions sur Youtube. J’ai toujours beaucoup tenté dans les matchs, mon père m’y a toujours poussé. Il me disait « mais tente, tu verras ! ». A l’entraînement, la plupart des attaquants font des séances de volées ou de reprises devant le but, tranquille, sans opposition. Moi je ne fais pas ça, parce que ce n’est pas la réalité du match. J’essaie toujours de me mettre en situation, par exemple qu’on me la mette forte et pas forcément bien dans la course ou avec des joueurs devant moi. Pour se rapprocher de la réalité, quoi. Ce sont plein de petits exercices comme ça qui me font progresser je crois.
Les gros mollets, ça va avec la grosse frappe ?
Oui, sûrement (il se marre) ! Je saute haut, je suis tonique, je frappe fort. Les mollets, c’est génétique chez nous. Mon père a les mêmes, et mon fils de deux ans, je peux vous dire que ça commence déjà à se voir. Il va avoir de beaux mollets aussi !
Non mais regardez-moi ces mollets !/Crédit bigsoccer.com
Ils se touchent quand vous courrez ?
Si je serre les jambes, c’est sûr qu’ils se touchent. Mais ça ne me gêne pas pour courir, ça va.
Non mais sérieux… Ça fait mes deux bras + mes deux cuisses/Capture d’écran Canal +
En 2014, vous êtes parti à Wigan après une grosse saison à Tours. Ça n’a pas l’air de s’être bien passé…
Je n’ai pas trop eu le choix. Tours n’était pas très bien financièrement, et il fallait que je parte pour le club aille mieux [il a été transféré pour 4 millions d’euros]. Mais je le sentais mal dès le départ… et ça été très compliqué, vraiment. Je suis arrivé toute fin août alors je n’ai pas eu de préparation avec le groupe, ni de temps pour m’adapter. Et puis il y a un changement d’entraîneur assez rapidement. Celui qui l’a remplacé était quelqu’un de méchant. Il ne voulait absolument pas de moi, ni des autres recrues d’avant. Il nous a fait la misère pour qu’on parte. En gros, il y avait tout pour que ça se passe mal là-bas. Je remercie Caen de m’avoir sorti là.
Il y a l’air d’avoir une bonne petite ambiance à Caen. C’est qui le plus bizarre ?
Il y en a plein ! On a une sacrée équipe (il rit). Rémy Vercoutre met beaucoup d’ambiance dans le vestiaire, moi aussi d’ailleurs… Il y a Jeff Louis aussi qui nous fait beaucoup rire. Bref, on rigole vraiment bien. On est heureux de se retrouver à l’entraînement, de prendre le café ensemble, et je peux vous dire que ce n’est pas comme ça partout. Nos résultats viennent de là aussi, ce n’est pas un hasard.
Qu’est-ce qui vous a vraiment marqué dans votre carrière ? Une anecdote, un événement…
La montée en Ligue 1 avec Ajaccio [2011-2012]. Ça s’est joué sur le dernier match, après une saison extraordinaire où on a vraiment tout donné. On n’était pas des grands joueurs, mais on avait un grand cœur, et le chemin qu’on a réussi à faire, il est énorme. Pendant les 15 minutes qui ont suivi la validation de notre montée, on était tous là à se serrer dans les bras, à s’embrasser, et ensuite tous les supporters et même la ville ont fêté ça avec nous. On avait une équipe de guerriers, et ce qu’a réalisé le coach avec nous est énorme.
Est-ce qu’il y a un conseil qu’on vous a donné un jour et auquel vous pensez encore ?
Ah… (il hésite). Plusieurs discussions m’ont marqué. Ce qui ressort, quand même, ce sont les discours d’Olivier Pantaloni [son coach à Ajaccio], justement. Ce qu’il me disait, ça me faisait du bien. Il a toujours cru en mois, et tout ce qu’il m’a dit il y a quatre ou cinq ans, ça se passe aujourd’hui. Je n’y croyais pas à l’époque, j’avais peur de le décevoir… Et pourtant, tout ça est en train de se passer. Je le remercie beaucoup.
De quelle manière il vous a aidé ?
A un moment, j’étais tout près de raccrocher. Je me posais des questions, j’avais des problèmes personnels. Alors je suis parti en prêt à Metz. Le coach [Pantaloni] ne voulait pas que j’y aille, on a parlé, mais j’ai décidé de partir quand même, pour moi. Quand je suis revenu, il était parti, mais on s’est retrouvé à Tours deux ans après et là j’ai explosé. Il m’a fait confiance tout de suite. Dès qu’il a été nommé là-bas, il a dit à ses dirigeants qu’il me voulait et il m’a fait venir. Moi je savais que j’avais quelque chose à me faire pardonner, alors j’ai tout donné et ça a très bien marché.
Olivier Pantaloni, passion doudoune/Crédit POL EMILE/SIPA
Le but de vos rêves, il ressemblerait à quoi ?
Je n’ai pas en tête un but ou un geste précis. En fait, ce serait un but qui me permettrait d’inscrire mon premier triplé en Ligue 1. Un triplé, c’est ce qui se fait de mieux pour un attaquant, et j’en ai vraiment envie.
C’est quoi les jeux de mots les plus ridicules qu’on a faits avec votre nom de famille ?
Ridicules, je ne sais pas, mais c’est toujours les mêmes ! Soit « de l’or en barre », soit « un but qui vaut de l’or ». J’en attends un qui va me surprendre. J’aimerais vraiment voir autre chose (rires).