VOILEVIDEO. Transat Jacques-Vabre: Navigation, mal de mer et dauphins, une journée à bord d'un monocoque

VIDEO. Transat Jacques-Vabre: Navigation, mal de mer et dauphins, une journée à bord d'un monocoque

VOILEQuelques jours avant le départ de la course dimanche, « 20 Minutes » a embarqué sur l’Imoca « Bureau Vallée »…
Guilhem Richaud

Guilhem Richaud

De notre envoyé spécial à Lorient (Morbihan),

Le rendez-vous était fixé dans le port de Lorient (Morbihan). Ce jour-là, Louis Burton et Romain Attanasio arrivent par la mer. Ils ont convoyé Bureau Vallée, leur monocoque Imoca 60 pieds depuis Saint-Malo, son port d’attache. Mais les choses ne se sont pas passées comme prévu. Contre toute attente, il fait grand ciel bleu sur la Bretagne. Pas de pluie, pas de vent et donc pas vraiment les conditions idéales pour faire avancer un voilier de compétition. Là où la traversée aurait pu prendre quelques heures seulement, il aura fallu deux jours pour arriver à destination.

Débarqués juste à temps pour le briefing des skippers, les deux hommes foncent vers le restaurant du port, qui fait office de camp de base. « Le vent va se lever dans la nuit », rassure l’organisateur. S’en suit aussi une série de recommandations totalement abstraites pour un néophyte. « Position AIS, fréquence VHF, procédure de départ sous pavillon P, règlement dans les IC, etc. » Tous les navigateurs opinent du chef.



Souplesse et acrobatie

Retour sur le monocoque, direction la ligne de départ, entre la sortie du port de Lorient et l’île de Groix. Sur le chemin, le moteur a des ratés. « Il vient d’être révisé, grimace Louis Burton. C’est pas sérieux. » Tant pis, de toute manière à partir de 18 h, il ne faudra plus compter que sur les voiles. Il y en a une dizaine à bord. La grand-voile, évidemment, qui trône fièrement sur le mât de 29 m, mais aussi toute une panoplie de toiles secondaires, qu’il faut sortir en fonction des conditions et des caps. Pour les premières heures à bord ce sera la J1, suivront le spi, et la J2 pendant la nuit. « Ce sont les trois principales, explique Louis Burton, installé à la barre. Mais on doit se tenir prêt à sortir n’importe laquelle. » A chaque fois que les skippers en changent, c’est tout une logistique. Avec une souplesse étonnante, ils se déplacent sur le bateau pour agir le plus vite possible, afin de perdre le moins de vitesse possible.


Les marins s’activent pour changer les voiles le plus vite possible. - Guilhem Richaud/20 Minutes

Jambon beurre et dauphins

Les premières heures de courses sont calmes. Bureau Vallée, traverse les vagues à une vitesse de 8 nœuds. « Pour convertir en kilomètres heure, il faut multiplier par 1,8, explique Louis Burton. Ce genre de bateaux peut aller jusqu’à 35 nœuds. Dans ces cas-là, c’est vraiment rapide. » En chemin vers Belle-Ile, les navigateurs scrutent la stratégie des autres monocoques. Et en profitent pour prendre des forces avant la nuit. En temps normal, ils se nourrissent de plats lyophilisés. Ce soir, ce sera de l’étoilé. Un sandwich jambon fromage dégusté, soleil couchant, sur une mer magnifique, le tout accompagné de dauphins sautant autour de l’embarcation. Mais rapidement, il faut redoubler de vigilance. La nuit est tombée, et le radar indique de nombreux chalutiers.

« Ils sont prioritaires parce qu’ils travaillent, prévient Louis Burton. On doit anticiper leurs mouvements. » Le vent s’est enfin réveillé et le bateau est rapidement sorti de la zone de pêche. Passé minuit, la fatigue commence à se faire sentir. Il est temps d’aller s’allonger en cabine. A l’intérieur, on est loin d’un bateau de croisière. Le confort est sommaire. Chaque mètre carré compte. En plus du matériel de navigation, tout le contenu du bateau y est stocké. Voiles, nourriture, outils, trousse de secours… Pour dormir, il faudra se contenter d’un pouf posé à même le sol. A chaque changement de bord, toute la disposition de la cabine doit être inversée. « On doit faire contrepoids pour faciliter la vitesse, explique Romain Attanasio. En tout, lors d’une course, il y a entre 700 kg et 1 tonne de matériel. On passe notre temps à tout déplacer. »


Le couchage se fait sur des poufs à même le sol. - Guilhem Richaud/20 Minutes

Mal de mer nocturne

Cette nuit là, les organisateurs ont trouvé la bonne idée de multiplier les changements de direction. Au troisième, c’en est trop. La mer se déchaîne, le bateau file désormais à plus de 20 nœuds. L’absence de visibilité fait tourner la tête, et l’estomac. A peine le temps de se lever, que le jambon beurre revient à la charge. Il finira au fond de l’eau. « Ça arrive même aux meilleurs », se moque Romain Attanasio. Comme pour se venger du sourire lâché un peu plus tôt lorsqu’il avait expliqué avoir vomi lors d’une croisière touristique.

Au petit matin, entre Belle-Ile et Quiberon, le mal de mer est passé. Bureau Vallée est désormais sur le chemin du retour, cap sur les Glénans. L’arrivée est prévue en début d’après-midi. Le bateau croise désormais ses concurrents, qui ont pris un peu d’avance. « Nous n’avons pas la meilleure coque pour ces courses au près, explique Louis Burton. Les embarcations plus récentes sont plus adaptées. » Lors de la Transat Jacques Vabre, ce sera une autre histoire. Les options de navigations seront bien plus importantes. Un dernier changement de bord au large des Glénans, un tour de l’île de Groix, et la ligne d’arrivée approche. Il est temps de rentrer à Lorient. Les deux skippers ont tiré suffisamment d’enseignements pour la prochaine course.

Une fois le bateau amarré, les voiles rangées, et les consignes données aux deux salariés chargés de s’occuper de l’entretien, retour au restaurant pour un débriefing rapide. Et pour manger un bon plat chaud. Sur le bitume, le sol bouge. « Le mal de terre », sourit Louis Burton. Finalement, on n’était pas si mal à bord.