RUGBYQuand Philippe Saint-André était patron de bar

Coupe du monde de rugby: Michel Sardou, parpaings et pintes, quand Philippe Saint-André était patron de bar

RUGBYLe sélectionneur des Bleus a tenu le Gormen's Café à Clermont-Ferrand...
Romain Baheux

Romain Baheux

De notre envoyé spécial à Croydon (Angleterre),

C’était un mardi. Ou peut-être un jeudi. Le temps a rendu tout cela flou, à moins que ce ne soit de la faute des bières descendues. Autour de la table, cinq potes, tous joueurs de l’AS Montferrand (aujourd'hui ASM Clermont - Auvergne) en cette année 1994 : Christophe Juillet, Serge Ricou, Gilles Darlet, Raphaël Saint-André et son frère Philippe, le sélectionneur du XV de France actuellement lancé dans sa Coupe du monde. Le débat s’enflamme autour d’une question, posée des milliers de fois par des millions d’amis : « Qu’est-ce que tu mettrais dans le bar de tes rêves ? » Sauf que là, nos compères étaient déterminés.

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« Avec les Bleus, Philippe avait pu profiter de l’ambiance des pubs britanniques durant le Tournoi des Cinq nations et voulait lancer quelque chose sur ce modèle à Clermont, se souvient Serge Ricou. L’idée de base était d’avoir un endroit où décompresser avec une bonne bière et une musique entraînante. » Le concept est là, ne reste plus qu’à trouver le lieu. Grâce aux contacts de PSA, alors capitaine tricolore, les potes récupèrent un magasin des salariés de Michelin situé à deux pas du stade de l’ASM et voué à la destruction.



« Il faut imaginer un bâtiment industriel, ce n’était pas vraiment glamour », en sourit aujourd’hui Christophe Juillet. Ça tombe bien, on n’est pas là pour faire dans le bar lounge. Le comptoir ? Un mur de parpaings couverts par de la tôle. Les tables ? Des bobines EDF. En guise de chaises, les gérants posent des fûts de bière vides. « L’endroit se devait d'être festif, il fallait que les gens puissent monter sur les tables pour danser si ça leur chantait », résume Raphaël Saint-André. Pour le nom, la bande opte pour le Gormen’s [les hommes du goret] Café, en référence au surnom de Philippe.

Le logo de l’établissement/DR

Ouvert peu avant la Coupe du monde 1995, le bar-bodega séduit d’entrée les supporters de Michelin. Rapidement, le lieu devient le point de ralliement des noctambules du coin et draine même les associations étudiantes. En parallèle de leur vie de joueur, les cinq hommes se retrouvent ainsi à accueillir des soirées de plus de mille personnes et même des concerts.



Une fois passée la porte surveillée par le deuxième ligne clermontois Frédéric Prégermain - « un gars très costaud qui aimait ce boulot, du genre à rire quand il se brûle », dixit Serge Ricou-, le fêtard du Gormen’s n’avait droit qu’à du très lourd : Les lacs du Connemara de Michel Sardou, Vanina de Dave ou bien encore le trop sous-estimé Sirop Typhon de Richard Anthony.



Et les patrons dans tout ça ? Parfois assistés de leur épouse, le meilleur endroit pour les trouver restait derrière le bar, même si les habitués n’avaient pas à les supplier pour prendre une petite pinte ou plus. « Même dans la fête, Philippe était toujours dans le contrôle, décrit Christophe Juillet. Il se gérait, ce n’est pas lui qui allait se jeter sur le dernier fût. » « Il trichait un peu, certains de ses verres finissaient dans le pot de fleur », taquine Ricou.



Malheureusement, ces belles soirées ne résistent pas aux carrières des cinq potes : les frangins Saint-André quittent l’Auvergne pour l’Angleterre en 1996, Christophe Juillet file au Stade Français l’année suivante tandis que Serge Ricou et Gilles Darlet se dirigent vers la retraite. En 1997, le bail prend fin et les cinq hommes vendent le concept à un autre joueur, Olivier Azam.

« On n’a pas gagné d’argent mais on s’est pas mal amusé. A Clermont, des gens me parlent encore de certaines soirées, souligne Juillet. D’ailleurs, je me souviens d’un Halloween où on était tous les cinq déguisés en garçons bouchers. Une photo a été prise mais je ne sais plus où elle est… » Si quelqu’un l’a, on serait très curieux de voir ça.