RUGBYCoupe du monde: C'est comment le rugby au Japon? Son capitaine au Mondial 1987 vous dit tout

Coupe du monde: C'est comment le rugby au Japon? Son capitaine au Mondial 1987 vous dit tout

RUGBYLes Nippons sont la sensation de la compétition...
Le capitaine du Japon  à la Coupe du monde 1987, Toshiyuki Hayashi.
Le capitaine du Japon à la Coupe du monde 1987, Toshiyuki Hayashi. - DR
Romain Baheux

Romain Baheux

De notre envoyé spécial à Londres (Angleterre),

A l’époque, le Japon avait autant de chances de taper un monstre de l’Hémisphère Sud que votre serviteur de retourner Richie McCaw dans un ruck. Capitaine des Nippons lors de la Coupe du monde 1987, Toshiyuki Ayashi était samedi à Brighton parmi les supporters déchaînés par l’exploit des Cherry Blossoms contre l’Afrique du Sud. Pour mieux comprendre la hype japonaise, on s’est posé dans un hôtel londonien avec l’un des hommes chargés de promouvoir le Mondial 2019 dans l’archipel. Cours d’ovalie made in Shikoku, avant le deuxième match contre l’Ecosse mercredi.

Qu’est ce qui a changé entre l’équipe du Japon de 1987 et celle d’aujourd’hui ?

C’est difficilement comparable. A l’époque, c’était du 100 % amateur chez nous. On avait tous des boulots à côté et on s’entraînait le soir. On avait bien eu un stage de préparation avant de commencer la Coupe du monde en Australie en 1987 mais il durait seulement une ou deux semaines. C’est compliqué dans ces conditions…



A quel point la Fédération s’est-elle investie dans ce sport ?

A mon époque, il était important d’avoir une bonne équipe nationale mais les structures n’étaient pas celles d’aujourd’hui. Là, on est allé chercher Eddie Jones, finaliste avec l’Australie en 2003, et on lui a donné les moyens de travailler avec un staff de vingt personnes. La préparation est longue et très développée. L’Afrique du Sud a été disséquée et analysée, comme l’Ecosse, pour que les joueurs répètent toutes leurs attaques à l’entraînement. C’est dans la nature japonaise de travailler énormément pour s’élever parmi les grandes nations.

Les matchs de la sélection sont suivis au Japon ?

Quand j’étais joueur, c’était un sport populaire, on avait des milliers de personnes au stade. On s’est fait déborder par le football qui s’est organisé en créant un championnat professionnel, la J-League, en 1993. Le rugby a reculé dans la hiérarchie, débordé aussi par le baseball. On est descendu bas. La victoire contre l’Afrique du Sud est un super coup de boost pour la popularité de notre sport. C’est encore plus important pour nous dans la mesure où nous allons accueillir le Mondial en 2019. On a très bien défendu mais pour l’équipe, c’est important qu’elle attaque, qu’elle continue de jouer en faisant des passes pour montrer que l’on sait pratiquer du beau rugby.



En dehors de la sélection, comment se comporte le rugby japonais ?

On a un championnat mais c’est encore semi-professionnel, avec des équipes appartenant à des entreprises. Au Japon, l’intérêt populaire se porte davantage vers les formations universitaires. Logiquement, on doit avoir une équipe en Super Rugby (le championnat des franchises sud-africaines, néo-zélandaise et australienne) en 2016 (son entrée pourrait être retardée). Ça nous permettra de continuer à faire travailler nos joueurs au contact des meilleurs.

Plusieurs étrangers évoluent dans la sélection nationale, comment est-ce perçu au Japon ?

La tradition du rugby est plus liée à l’endroit où vous vivez qu’à la nationalité. Par exemple, notre capitaine Michael Leitch est né en Nouvelle-Zélande mais il est arrivé au Japon quand il était enfant. Il dit lui-même qu’il s’est formé à ce jeu dans un environnement japonais. De toute façon, les sélectionneurs doivent maintenant savoir chercher des joueurs dans leur championnat. Ce n’est pas vu comme un sentiment de faiblesse sur notre rugby. On veut des gens prêts à bosser intensivement ensemble, on n’est pas là pour regarder la couleur de peau.

Le capitaine du Japon Michael Leitch/LIONEL BONAVENTURE-AFP

Pourquoi aucun joueur de la sélection n’évolue en Europe ?

On a déjà des joueurs en Super Rugby dont l’influence est supérieure chez nous que les championnats européens. Maintenant, ça pourrait arriver très rapidement si des clubs européens veulent donner leur chance à des Japonais. Ça serait fantastique d’en voir à Toulon ou à Toulouse.

Et le rugby à VII, ça prend ?

On est en retard, on n’a pas de vraies structures pour pousser une équipe nationale. Maintenant que c’est devenu un sport olympique, ça pourrait devenir plus important mais c’est tout nouveau pour nous. Ici, la tradition, c’est plus le rugby à XV.

La sélection vise les quarts de finale cette année. Dans quatre ans pour le Mondial à domicile, ce sera le titre l’objectif ?

On ne va pas encore trop parler d’un quart de finale pour l’instant même si on veut tous les voir à ce niveau. Dans quatre ans, l’objectif sera d’être considéré comme une grosse équipe, de figurer parmi les nations qui comptent sur la durée. Le but n’est pas juste de faire un coup à cette Coupe du monde mais de s’inscrire dans le temps.