Coupe du monde: Jeu à boire et chambrage, «Swing Low, Sweet Chariot» l'autre hymne anglais
RUGBY•Le XV de la Rose lance sa Coupe du monde à domicile vendredi soir contre les Fidji...Romain Baheux
De notre envoyé spécial à Londres (Angleterre),
Comme chaque jour depuis leur arrivée sur le sol anglais, les joueurs fidjiens transpirent sur un étrange brouhaha craché par les haut-parleurs de la salle de musculation. Le DJ n’est autre que leur sélectionneur, John McKee, créateur d’un best-of des éructations de Twickenham pour préparer ses hommes à l’ambiance de l’enceinte. Le titre phare se nomme Swing Low, Sweet Chariot, l’hymne officieux d’un XV de la Rose qui lance son Mondial à la maison contre les joueurs du Pacifique vendredi soir.
A la base, la chanson n’a strictement rien, mais alors rien du tout, à voir avec le monde du cadrage-débordement. L’air naît en 1862, de la plume de Wallace Willis. Cet esclave affranchi dresse un parallèle biblique entre le Jourdain et l’un des affluents du Mississippi, tout en évoquant l’un des prophètes de l’Ancien Testament Elie, amené aux cieux dans un chariot de feu. A l’arrivée, cela donne une chanson negro-spiritual un poil mystique.
Apprenez-moi ça par coeur/DR
Certains affirment encore aujourd’hui qu’elle donnait des indications de direction codées aux esclaves américains pour leur permettre d’emprunter des routes cachées pour s’évader.
Swing Low, Sweet Chariot, entre-temps interprété par des artistes comme Johnny Cash, croise enfin la route du XV de la Rose lors d’un match du Tournoi 1988 contre l’Irlande. La légende veut que des étudiants l’aient entonné alors que leurs protégés empilaient les essais même si d’autres leur disputent encore la paternité de la chose. Peu importe à vrai dire, tant Twickenham s’approprie rapidement la rengaine. Ce jour-là, l’Angleterre du rugby se crée un second hymne national, jusqu’ici surtout vue de ce côté de l’Atlantique comme le chant d’un jeu à boire à accompagner d’une chorégraphie lourdingue.
Depuis, les supporters anglais le lancent pour chambrer les joueurs adverses. « Ça me fait toujours marrer, on a l’impression qu’ils veulent se venger sur nos joueurs quand ils l’entendent », sourit Julia, supportrice anglaise. « C’est insupportable depuis la pelouse car ce chant signifie que ça va mal pour nous, s’agace encore Marc Lièvremont, ex-sélectionneur tricolore et consultant Canal +. Il y a un côté moqueur, je ne l’aime pas trop. »
Pas de pot Marc, la fédération anglaise en est fan et confie son interprétation à des artistes renommés pour lui redonner un coup de boost avant un Mondial. En 2003, le groupe UB40 s’y était collé et avait accouché d’une version assez dansante.
Cette année, la jeune Ella Eyre s’est attaquée au mythe, avec un certain talent il faut bien l’admettre.
« C’est lancinant et pas très rythmé. Je trouve qu’il y a de bien plus beaux chants dans le rugby, maintient Marc Lièvremont. Maintenant, il va falloir s’habituer à l’entendre si l’Angleterre réalise un beau Mondial. » Les Fidjiens ne sont pas vraiment pressés d’en profiter.