RUGBYCoupe du monde: Valeurs, Haka et «French Flair», Marc Lièvremont revisite les clichés du rugby

Coupe du monde: Valeurs, Haka et «French Flair», Marc Lièvremont revisite les clichés du rugby

RUGBYLe Mondial débute vendredi...
Romain Baheux

Romain Baheux

De notre envoyé spécial à Croydon (Angleterre),

« Ils ont l’air plus gentils que les footeux. » « Wahou, les Anglais sont vraiment des connaisseurs. » « Le Haka, c’est quand même un truc folklo. » La Coupe du monde de rugby et son lot d’idées reçues débutent vendredi. Mais sont-elles pour autant toutes stupides ? Au moment de s’envoler pour l’Angleterre, où il commentera la compétition pour Canal +, l’ancien sélectionneur des Bleus Marc Lièvremont, finaliste en 2011, fait le tour de ces clichés.

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Les valeurs du rugby, c’est un truc marketing ou on y croit vraiment ?

« On n’en a jamais autant parlé donc ça devient suspect. C’est quelque chose qui a été beaucoup mis en avant depuis l’arrivée du professionnalisme [en 1995]. Ceux qui parlent le plus de ces valeurs sont les présidents issus du monde de l’entreprise, attirés par ce discours. Avant, je trouve qu’il y avait peut-être plus d’empathie et plus de solidarité entre les acteurs de ce sport. Les choses ont bien changé avec l’arrivée d’un certain nombre de personnages. L’essence du jeu, c’est encore quinze mecs solidaires sur un terrain. Oui, les gens ont une image à tenir et ça peut modifier le comportement mais il ne faut pas noircir le tableau. Pour que ça fonctionne sur la pelouse, je reste convaincu qu’il faut que les mecs s’apprécient. »



Le « French Flair », ça existe ou c’est une légende urbaine ?

« Encore faudrait-il le définir. On n’a pas inventé l’appellation "French Flair", ça vient des Anglo-Saxons. Eux, ils ont une approche plus cartésienne. Pour un Anglais, un joueur qui "sent le jeu", ça ne veut rien dire. Les Bleus ont longtemps été le panachage d’un ensemble de rugby pratiqué dans notre pays et c’était déroutant. Le "French Flair", ça peut donner de la bouillie ou certains chefs-d’œuvre. Souvent, on sort ça parce que l’on est dans la merde. Maintenant, on en est de moins en moins capables. A force de vouloir copier ce pragmatisme anglo-saxon, on publie un rugby aseptisé. Les Bleus actuels manquent de cette folie. On a des joueurs capables d’en mettre mais encore faudrait-il les sélectionner. »



On dit que les Anglais sont ultra-connaisseurs, ça signifie qu’en France on n’y comprend rien ?

« C’est un cliché. On peut être experts et faire preuve d’une mauvaise foi hallucinante. On a un public excessif mais connaisseur, qui dit les choses avec passion. Il y a parfois des noms d’oiseaux dans les tribunes mais on a un climat dans l’ensemble sain dans les stades de rugby en France. Après, il y a des cons partout. »

Ils sont vraiment champions du monde des hymnes nationaux, les Ecossais ?



« Flower of Scotland, je le mets sur le podium de mes hymnes préférés. Le son de la cornemuse puis les Ecossais qui chantent a capella à Murrayfield, c’est magnifique. Les Gallois c’est aussi très fort avec Land of my fathers.



Le Millenium de Cardiff est le plus beau stade de rugby au monde. Il y a toute une mise en scène avec des dragons et des flammes avant le coup d’envoi. J’aime aussi la ferveur des Italiens et des Argentins. De toute façon, les hymnes c’est toujours beau chez nous. »

La troisième mi-temps, on y boit toujours beaucoup ?

« La troisième mi-temps, ça ne veut pas dire que l’on se met forcément sur le toit. C’est aussi refaire le match, prendre quelques verres et manger un morceau. Ces moments font du bien, on a chaud et on se dit des trucs. Ce que tu perds d’un côté en récupération saine, tu le gagnes en refaisant du lien social. Quand on a pris des bières après la défaite contre les Tonga au Mondial 2011, je retiens qu’à la fin, il y avait trente mecs bras dessus, bras dessous. »



Le Haka, c’est folklorique ou ça fait peur ?

« Ce n’est pas folklorique et je ne m’en lasse pas. Ça reste toujours impressionnant à voir. Tous les rugbymen du monde veulent défier les Néo-Zélandais lors du Haka. Tu as beau les respecter, il faut relever le défi à ce moment-là. Vous subissez un peu parce que vous attendez que ça se passe mais il faut rentrer dans son match. Moi, je regardais un joueur adverse dans les yeux. »



Est-ce que les rugbymen comprennent toujours ce que l’arbitre siffle ?

« Les règles sont quand mêmes complexes dans ce sport. Je me souviens de réunions avec d’autres sélectionneurs où on n’était pas d’accord entre nous. Lors des mêlées et du jeu au sol, ça se joue à un quart de seconde et les interprétations engendrent parfois de la frustration. Quand les deux font une faute, tu penses toujours que l’autre en fait plus. L’important est de rester dans son match mais c’est plus facile à dire qu’à faire. »

Il faut un accent du Sud-Ouest pour commenter du rugby ?

« Non pas du tout. Je ne suis pas le seul mais je suis incapable de me revoir à la télévision. Quand je m’écoute, j’ai l’impression d’avoir un accent à couper au couteau et je n’aime pas ça. Je trouve ça mignon chez les autres surtout. »