EXPLOITDakar 2015: Albert Llovera, paraplégique et (bon) pilote de rallye

Dakar 2015: Albert Llovera, paraplégique et (bon) pilote de rallye

EXPLOITL'Andorran Albert Llovera, paraplégique, est en passe de finir le Dakar pour la première fois...
Nicolas Camus

Nicolas Camus

De notre envoyé spécial à Rosario (Argentine)

L’année dernière, il avait échoué d’un souffle, contraint à l’abandon à trois jours de l’arrivée. Mais cette fois, promis, c’est la bonne. Pour son troisième Dakar, Albert Llovera verra Buenos Aires samedi. «C’est très important pour moi. Et on fêtera ça comme il faut avec toute l’équipe», annonce-t-il. S’il y tient peut-être plus que n’importe qui sur cette course, c’est que cette performance serait exceptionnelle au regard de son état physique. Victime d’un grave accident de ski, en 1985, alors qu’il disputait les championnats d’Europe de Sarajevo, Albert Llovera n’a plus, depuis, l’usage de ses jambes.

Le rallye n’en est, on s’en doute, que plus difficile. Gérer son handicap, en plus de la fatigue, de la chaleur et des pièges du parcours, est une souffrance. «Quand tu passes de dix à quatorze heures par jour assis dans une voiture où il fait entre 50 et 60°C, secoué dans tous les sens, c’est très dur. Les escarres, c’est le mal des handicapés», explique-t-il. Pour ne rien arranger, évoluer dans les bivouacs, la plupart du temps sablonneux, poussiéreux ou boueux, est un calvaire. «C’est une merde, lâche-t-il dans un demi-sourire. Rien que pour aller manger, c’est comme si je courrais un autre Dakar.» Heureusement pour lui, il a été autorisé à amener une caravane spécialement aménagée pour se doucher et dormir.

Deux ans et demi d'attente pour obtenir le droit de courir avec les valides

Son abnégation force le respect de tous. Les autres pilotes, admiratifs, lui glissent souvent un mot d’encouragement à l’arrivée des spéciales. 40e au général au soir de la 11e étape, jeudi, l’Andorran de 48 ans est loin d’être largué. C’est qu’il commence à avoir une bonne expérience de la conduite. Suite à son accident, il s’est d’abord essayé au basket, avant de rapidement se tourner vers les sports automobiles. Mais pas question de ne pas courir avec les valides. «Ils ne voulaient pas me donner de licence, mais j’ai insisté. Et au bout de deux ans et demi je l’ai eue. Je suis le premier handicapé au monde à avoir obtenu ce droit», dit-il fièrement.

Dès sa première course, en 1990, il remporte le Trophée Peugeot au rallye d’Andorre. Puis les performances s’enchaînent, d’abord en Espagne puis au niveau international, jusqu’à son premier Dakar, en 2007. Aujourd’hui au volant d’un buggy taillé sur mesure - un volant normal, auquel sont accolés deux cercles, l’un pour accélérer, l’autre pour freiner -, Albert Llovera est en passe de réaliser un rêve. Avant, peut-être, de prendre une autre direction. «Je peux aussi faire autre chose, je vais voir. L’important, c’est de profiter de la vie, non ?» Difficile de le contredire là-dessus.