Qualifications Euro 2016: Serbie-Albanie, comment un match relance des tensions dans les Balkans
FOOTBALL•Des incidents ont éclaté à Belgrade mardi soir…Romain Baheux (avec J.L)
En quelques heures, ce Serbie-Albanie a réveillé les tensions entre deux nations. Tout a démarré peu avant la pause mardi soir avec l’irruption dans le stade d’un drone avec un drapeau d’une carte de la Grande Albanie, un projet nationaliste de réunification des communautés albanaises des Balkans. En plein Belgrade, où les supporters adverses avaient été interdits par précaution de cette rencontre qualificative pour l'Euro 2016, l’apparition est vécue comme une provocation. «C’est le rêve du peuple albanais que cela arrive, explique Danijel Andjelkovic, handballeur serbe du Fenix Toulouse. On n’existe pas sur cette carte, la provocation est tellement grosse.»
Le match dégénère très rapidement. Le Serbe Stefan Mitrovic attrape le drapeau, une bagarre éclate entre les joueurs des deux camps, rejoints par des supporters. Les Albanais regagnent alors les vestiaires sous les projectiles du public de Belgrade. «On a pris un peu de tout en s’approchant du tunnel pour rentrer: des bouts de pierre, des batteries, raconte à RMC le capitaine Lorik Cana. Des joueurs ont même pris des coups sur le visage.» La rencontre ne reprend évidemment pas.
Un déplacement historique remis en cause?
Depuis, chaque partie présente sa version. Accusé d’avoir piloté le drone, Olsi Rama, le frère du Premier ministre albanais Edi Rama, a démenti la version du ministère des Affaires étrangères serbe qui parle «d’une provocation politique». Dans ce contexte, le déplacement à Belgrade d’Edi Rama, la première visite en Serbie d'un Premier ministre albanais en 68 ans, pourrait être remis en cause. «La visite de M. Rama était attendue à Belgrade comme un signe de normalisation, mais après cet attentat contre l'édification de relations amicales entre la Serbie et l'Albanie, il est clair que cette dernière aura besoin de décennies, si ce n'est de siècles, pour devenir un État normal sans haine envers les Serbes», a ainsi souligné le président serbe Tomislav Nikolic.
Avant le match, les deux Etats montraient pourtant des signes de rapprochement. «Il y a des tensions liées à la question du Kosovo (ex-province serbe peuplée en majorité d’Albanais) mais cet événement ne doit pas cacher une réalité plus calme entre les deux pays, explique Gaëlle Pério Valero, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). Des relations commerciales existent.» Chez les supporters, la rencontre a ravivé des tensions ethniques. L'interruption de la rencontre a été fêtée en Macédoine et en Albanie. A Pristina, capitale du Kosovo, près de cinq mille personnes ont célébré cette forme de la victoire sur le voisin. «Ce match est un vecteur d’expression de plaies qui ne sont pas cicatrisées, poursuit Gaëlle Pério Valero. C’est un conflit qui a eu lieu il n’y a que vingt ans. Dans la tête de certaines personnes, la guerre n’est pas finie.»