FOOTBALLTélé: «Les outils ne sont efficaces que si vous vous en servez intelligemment», explique Nicolas Jover, analyste vidéo

Télé: «Les outils ne sont efficaces que si vous vous en servez intelligemment», explique Nicolas Jover, analyste vidéo

FOOTBALLIl interviendra dans la «Data Room», l’émission d’analyse tactique pour geeks du foot lancée par Canal+…
Antoine Maes

Antoine Maes

Une émission cryptique pour la chaine cryptée. Mardi soir, Canal+ lance la «Data Room». Le concept? «Débattre, expliquer, disséquer les grands matchs de football par le prisme de leurs données statistiques, chiffrées, ou encore schématiques». Le Montpelliérain Nicolas Jover, analyste vidéo du MHSC, fait partie des consultants de l’émission. Et en profite pour lever le voile sur un métier de l’ombre du foot pro.

A quoi ressemble le travail d’un analyste vidéo comme vous?

Le boulot dépend beaucoup de l’entraîneur. Là je travaille avec Rolland Courbis, c’est différent du boulot que j’avais avec Jean Fernandez, qui était encore différent de celui que j’avais avec René Girard. C’est à moi de m’adapter, en proposant ce qu’ils souhaitent avoir. Avec Fernandez, on travaillait sur l’adversaire et sur notre équipe, avec René Girard quasi-uniquement sur l’adversaire et avec Rolland Courbis presque uniquement sur nous-mêmes. Il y a le re-visionnage du match, on fait un découpage dans le détail, pour créer une base de données. Ensuite il y a des séances vidéos avec le coach, avec les joueurs, le travail avec les entraîneurs des gardiens, développer des tableaux de suivis de performances… On travaille aussi en direct: on récupère le flux vidéo, on le monte, pour que l’entraîneur revoit certaines actions clés ou litigieuses du match avant qu‘il aille en conférence de presse. Bon, je ne veux pas trop rentrer dans le détail, parce qu’à partir du moment où je considère que mon travail apporte une plus-value, il y a des choses que je voudrais garder pour moi.

Donc ça existe l’espionnage entre vous?

On se connaît tous, et on s’entend bien. Quand on peut s’aider, mais on sait ce qu’on doit garder pour soi. Il y en a deux ou trois avec qui je m’entends plutôt bien, et avec le temps on se donne des tuyaux.

Est-ce que le recours à la vidéo et aux statistiques s’est démocratisé en Ligue 1?

Je ne sais pas ce qui se passe à l’intérieur de chacun des clubs de Ligue 1. Mais je vois un peu la différence. A Montpellier, il y aura bientôt un diplôme universitaire, alors qu’avant il n’y avait que deux formations privées. Est-ce qu'on peut gagner sans analyse video? Ça dépend de ce que vous en faites. On est encore très loin de ce qui se fait dans les gros clubs anglais par exemple. A Manchester City, ils ont un employé pour chaque équipe de jeunes, et ils sont 4 ou 5 pour les pros. A Montpellier on est deux plus deux stagiaires. Après c’est aussi parce que tout le monde se copie, donc il y en a qui emploient deux, trois, ou quatre personnes, mais sans savoir ce qu’on peut en faire. Des freins, il y en a beaucoup en France mais il y en a encore en Angleterre.

Donc ce n’est pas une solution miracle…

Les outils ne sont efficaces que si vous vous en servez intelligemment. Ce n’est pas parce que vous mettez un outil d’analyse vidéo entre les mains de quelqu’un qui ne connaît pas le foot qu’il va devenir un crack. Il faut une réflexion, et savoir où on veut aller. Ce ne sont pas les outils qui vont faire gagner, mais les idées qu’il y a derrière.

Est-ce que c’est facile de travailler avec les joueurs?

Ils comprennent que nous ne faisons que passer les messages, que ce n’est pas nous qui les faisons. Certains veulent aller plus loin et viennent directement nous voir, d’autres sont moins demandeurs. C’est pareil à Montpellier ou avec la Croatie, avec qui j’ai passé un mois à la Coupe du monde.

Comment rendre «regardable» une émission d’analyse tactique par la vidéo et les statistiques ?

Il faudra rendre ça un peu attrayant et je suis sûr que Canal va y parvenir. Il y a de bons outils à disposition, et un ton qui fera que ce sera intéressant. Ça permettra d’aller un peu plus en profondeur, on aura le temps pour ça, ce qui peut manquer dans d'autres émissions. Là on nous a fait comprendre qu’il faut amener du contenu, et il faudra quand meme que le plateau soit vivant, enthousiaste, passionné.