Roland-Garros 2014: «Je suis l'un des Français avec le meilleur mental», assure Paul-Henri Mathieu
INTERVIEW•Rencontre avec Paul-Henri Mathieu, l’un des meilleurs joueurs tricolores de la dernière décennie…Propos recueillis par Julien Laloye
La terre battue, c’est sa surface, Roland-Garros, son tournoi. Surgi de nulle part en 2002, quand il avait failli sortir Agassi sur le Central, Paul-Henri Mathieu a bâti sa légende Porte d’Auteuil. Légende de défaites homériques, de comebacks émouvants et matchs en cinq manches inoubliables. A 32 ans, l’Alsacien, qui continue «de se lever le matin» pour ce moment, revient sur sa carrière, sa réputation, son mental, et Rafael Nadal, qu’il pourrait retrouver au deuxième tour, à condition de se défaire de Dominic Thiem lundi.
Ce deuxième tour potentiel contre Nadal, vous en rêvez la nuit?
Il faut d’abord gagner le premier match! Thiem, C’est un joueur en train d’exploser, ça va être compliqué, même s’il n’a pas l’habitude des matchs en cinq sets. Il faut que j’arrive à faire tourner les choses en ma faveur. C’est sûr que retrouver Nadal ensuite, sur un grand court… Mais bon on sera loin du match de 2006 (remporté par Nadal, après presque 5h de jeu, ndlr).
Ce match, c’est un gros regret dans votre carrière?
Pff… De toute façon, je n’ai jamais eu de chance dans les tableaux de Grand Chelem. Ça ne tournera jamais, c’est comme ça. Il m’est arrivé beaucoup de choses ici. Toutes les fois où j’avais un très bon niveau de jeu, j’ai pris Djokovic, Nadal, ou Federer.
Mats Wilander avait dit un jour que vous aviez le niveau pour gagner Roland-Garros. Vous y pensiez aussi?
Bien sûr. Pendant ma carrière, je n’ai pensé qu’à ça. Encore aujourd’hui, il n’y a que Roland qui me motive à m’entraîner. Le nombre de fois où le lendemain de mon élimination je pensais à l’année d’après… Ça s’est mal goupillé, j’ai mal géré certains tournants, Le tirage, les blessures, ça se joue à pas grand-chose, voilà.
Quand est-ce que vous avez pensé y parvenir?
Je n’ai eu qu’une occasion, c’est quand j’ai perdu contre Canas en 2005 alors que j’ai eu deux balles de match. Cette année-là, j’aurais pu aller très loin. J’aurais été en quarts face à Puerta. D’accord, il avait fait finale mais à cette époque-là ce genre de joueur, il ne me dérangeait pas plus que ça. Un tirage comme ça en quarts de Roland-Garros, on signe tous les jours.
Vous y pensez souvent?
Quand j’aurai fini de jouer, je me retournerai sur ces moments, mais là je n’y pense pas. Il ne me reste plus beaucoup de Roland devant moi, j’essaie de profiter des matchs qui viennent. Tant que je me sens compétitif, je continuerai à jouer.
Qu’est-ce qu’il vous a manqué pour gagner ici. Une plus grande variété de coups?
Mon jeu est loin d’être parfait, j’aurais pu mieux servir, finir les points au filet… Plein de choses. En fait, j’aurais tout changé, même mon revers. J’ai un bon coup droit, mais j’aurais pris celui de Gonzalez, le service de Roddick, la volée de Federer. Puis le physique de Ferrer, qui était beaucoup moins blessé que moi. Ça aurait donné un bon petit joueur.
Et le mental: Vous savez à quoi «faire une PHM» fait référence?
Non, dites-moi.
C’est quand un sportif s’écroule dans sa tête après avoir frôlé la victoire…
(Silence)…Sans être imbu de ma personne, je pense que je suis l'un des Français avec le meilleur mental. Je n’ai rien à prouver. Il n’y a pas un gars du circuit qui serait revenu après les blessures que j’ai pu avoir. Vous avez trouvé un Français à 20 ans qui fait huitième pour son premier Roland-Garros et qui mène deux manches à rien contre Agassi sur le Central? Combien ont marqué quelques points à peine sur ce court? C’est facile de résumer une carrière à quelques matchs. Combien de matchs j’ai gagné en sauvant des balles de match?.
Cette image de loser magnifique, elle continue à vous agacer, même avec le recul?
Comment dire… Ce qui est dommage c’est que c’est une vraie fausse image. Quand on est en haut de l’affiche, on est rarement apprécié. On n’a pas le droit de perdre, c’est comme ça. Les gens aiment les joueurs qui reviennent après des malheurs, des graves blessures, c’est comme ça.
Après le tennis, vous vous voyez faire quoi? Consultant, pour défendre d’avantage les joueurs comme vous?
Moi ça m’intéresserait de faire consultant, justement pour ne pas juger les joueurs. J’aimerais montrer que sans connaître son entourage, comment il se sent, c’est difficile de prétendre le connaître et le juger.