«Chaque arbitre fixe sa propre limite»

«Chaque arbitre fixe sa propre limite»

HANDBALLAncien arbitre international, François Garcia explique la difficulté de jugement face aux règles du handball...
Propos recueillis par Stéphane ALLIES

Propos recueillis par Stéphane ALLIES

François Garcia est le président de la commission centrale de l'arbitrage français. Ancien arbitre, il a participé à toutes les grandes compétitions internationale. Au lendemain d'un France-Allemagne douloureux, il explique la spécificité de son métier.


Quel sentiment vous inspire la demi-finale de jeudi soir?

Connaissant le contexte, quand j'ai appris quelle paire avait été désignée pour ce match, je me doutais que ça tournerait mal. Ce sont deux arbitres très jeunes pour le gotha mondial, qui ne sont pas habitués à la pression du public et, surtout, à la pression des dirigeants. J'en veux plus à la commission qui a nommé ces deux arbitres.


Attention, si l'on excepte la bévue finale [l'annulation d'un but français décisif à 6 secondes du terme, pour redonner la balle aux Bleus], leur comportement n'a pas été si prépondérant, les deux équipes étaient tellement proches...


Pourquoi l'arbitrage est-il si souvent mis en cause au handball?

Parce que quand vous lisez les règles du jeu, n'importe quelle action peut donner lieu à deux décisions contraires. Prenons la question du «rapport de force», en clair les contacts physiques. Dans les textes, la «poussette» est autorisée jusqu'à une certaine limite. Mais cette limite, c'est l'arbitre qui la fixe. En somme, la règle est volontairement floue et chaque arbitre fixe sa propre limite. D'où les disparités et les incohérences.

Est-ce que des nations arbitrales favorisent certains pays plus que d'autres ou est-ce du fantasme?

On vous dira toujours que les Scandinaves s'arrangent entre eux et que les Français et les Espagnols sont complices... Mais la question est plus complexe et cela dépend surtout des cultures arbitrales de chaque pays. Et celles-ci sont souvent liées aux choix politiques des fédérations.


Dans le championnat allemand, le choix a été fait de privilégier le spectacle. Donc de siffler le moins de fautes possibles. Donc les arbitres s'habituent au jeu violent. En France, on valorise davantage la protection des joueurs. Après viennent les compétitions internationales. Au cours des stages de préparation, les dirigeants de la Fédération internationale harmonisent ces tendances en donnant des consignes. Et c'est là où on voit la différence entre les arbitres de haut-niveau et les autres. Entre ceux qui se coulent dans le moule souhaité et ceux qui conservent leurs spécificités nationales.


Par exemple, lors de ce mondial, on a très vite vu qu'il y avait des consignes pour sanctionner les mauvais «blocks» des pivots. Après la première journée, les équipes se sont adaptées. Mais pendant la demi-finale de la France, les arbitres en ont laissé passer pas mal...


Comment améliorer les choses?

Le handball est un sport d'engagement et c'est l'arbitre qui régule cet engagement. Ça, il ne faut pas le changer, c'est un des fondements du jeu. En revanche, il faut progresser au niveau de l'encadrement des arbitres. En France, ça représente 120 bénévoles, quand il y a 250 professionnels pour encadrer le handball. Même si les Tricolores n'ont pas à rougir, en raison de la qualité de notre école. D'ailleurs, il y a des chances que la finale de dimanche soit arbitrée par des Français, comme celle des JO de Sydney ou des derniers Mondiaux féminins.

Bientôt le professionnalisme?

Aujourd'hui, on essaie déjà de se battre pour libérer les arbitres de leurs métiers quand ils doivent officier. Un des nôtres a même du partir arbitrer au Mondial sur ses jours de congés. Alors, le professionnalisme...


Et la vidéo?

Impossible. Ça va trop vite pour les réalisateurs. Quand ont voit combien les matchs sont mal filmés, il n'y a rien à espérer de ce côté.

La semaine prochaine, Olivier Girault, de retour d'Allemagne, devrait répondre à vos questions. Le capitaine de l'équipe de France de handball est l'un des sportifs les moins «langue de bois». Nous vous tiendrons au courant de ce grand rendez-vous.