Six ans avant Daniel Alves, Abdes Ouaddou avait déjà dit «non» au racisme dans les stades
FOOTBALL•En 2008, et alors qu’il jouait à Valenciennes, le défenseur était monté dans les tribunes de Metz pour s’expliquer avec un spectateur qui lui lançait des insultes racistes…Antoine Maes
Si Daniel Alves a décidé de manger les bananes, Abdes Ouaddou était, lui, à deux doigts de distribuer des pains. En février 2008, alors que le VAFC se déplace à Metz, le défenseur nordiste, ulcéré, décide de monter s’expliquer avec un spectateur. «Sale négro! Sale singe!», voilà ce qu’il entend ce soir-là. «Je suis monté dans la tribune, non pas pour me battre, mais pour essayer de comprendre la personne», assure aujourd’hui Ouaddou.
Les jours suivants, il devient le symbole de la lutte contre le racisme dans les stades. Bernard Laporte, alors Secrétaire d’Etat aux sports, s’invite même à son domicile. «Il y a eu une récupération politique. La FFF a vraiment pris ces choses au sérieux, la LFP aussi. Depuis, ce qui se passe en Espagne et en Italie, on ne le voit pas en France», assure celui qui est désormais à la retraite.
Forcément, le geste de Daniel Alves l’a ramené quelques années en arrière. «Je respecte sa façon de faire, ça m’a même amusé. Mais si on veut aller plus loin dans ce combat, est-ce que c’est une façon efficace de lutter contre ça? Je dirai «non». En tournant ça à la dérision, on n’est pas à l’abri d’avoir de nouveau ces gestes. Les gens attendront que le joueur la mange, cette banane».
«Je ne dirai jamais à un joueur de monter dans la tribune»
Pas question pour autant de demander à tous les joueurs de sortir du silence. «Je ne dirai jamais à un joueur de monter dans la tribune. Les joueurs n’osent pas parce qu’ils ont peur de créer des problèmes et que ça se retourne contre eux. Moi, on m’avait dit: «T’es professionnel, ça fait partie du métier». Et il y a une personne sur le terrain qui connaît le règlement. A lui de prendre des décisions, il peut arrêter momentanément le match», rappelle Ouaddou.
Un arbitre qui ne l’avait pas beaucoup aidé, ce fameux soir de 2008. «J’ai essayé de le sensibiliser, il ne m’a pas suivi, se souvient Abdes Ouaddou. C’était Monsieur Ledentu, et là je me suis senti délaissé. J’ai cru lire sur son visage qu’il ne voulait pas affronter cette montagne qu’est le racisme». Ironie de l’histoire, celui-ci l’avait même sanctionné d’un carton jaune pour avoir quitté le terrain. «Ça aurait été bien qu’on me l’enlève, pour le symbole», regrette l’ancien nordiste.