Roland-Garros 2013: Richard Gasquet est-il vraiment moins fort que les autres physiquement?
TENNIS – La qualité de tennis du Français est souvent mise en avant, mais il est aussi devenu un véritable athlète…A Roland-Garros, Antoine Maes
Oui, on vous a déjà entendu vous moquer. Comparé à un Rafael Nadal, Richard Gasquet aurait physiquement presque l’air d’un junior. Mais le Français, qui jouera en 8e de finale lundi, est tout de même devenu un véritable athlète. Paul Quetin, son préparateur physique, passe la machine «Richie» au rayon X. Interview.
Richard Gasquet est-il au-dessus ou en-dessous de la norme des joueurs de tennis physiquement?
Quand on parle d’un jouer qui est revenu dans le top 10, c’est forcément quelqu’un qui est au-dessus de la norme. Aujourd’hui dans le tennis, on n’a vraiment affaire qu’à des athlètes de haut niveau. Après, on peut trouver sur le circuit des joueurs qui lui sont supérieurs sur le plan physique.
C’est quoi sa principale qualité physique?
C’est un vrai joueur de tennis. Il a toutes les qualités du grand joueur: il anticipe les trajectoires formidablement bien, il prend aussi les informations très tôt sur son adversaire, et il est assez puissant au niveau des jambes. En plus il est très relâché du haut, donc il arrive à imprimer beaucoup de qualité à la balle. Donc forcément, rapidité, plus vitesse de réaction, plus anticipation, ça fait qu’il est difficile à déborder.
Est-ce qu’il a eu besoin de beaucoup travailler physiquement?
Ses qualités, il les a développées en jouant au tennis, mais aussi à travers les sports collectifs. Il est passionné de rugby et de foot, il en a fait beaucoup dans sa jeunesse. Il n’a pas fait d’entraînement physique à proprement parler. Par contre, pour atteindre le très haut niveau, il a été obligé d’ajouter la dimension de capacité de résistance aux efforts. Il a beaucoup travaillé en dehors du terrain. Par rapport à un Nadal ou à un Tsonga, c’est vrai qu’ils sont plus puissants. Mais les joueurs ont des qualités différentes à la base, le but c’est de les exploiter au maximum.
L’objectif, ce n’est donc pas de lui faire prendre de la masse musculaire?
La question qu’on peut toujours se poser c’est «est-ce qu’avec 10 kilos de muscle en plus, ça aurait été un meilleur joueur de tennis?». Mais le tennis est une activité très particulière. Des joueurs comme Verdasco, comme Baghdatis, ils ont pris de la masse musculaire, ils sont devenus plus forts qu’avant, mais ils sont devenus moins performants. Le tennis, c’est une combinaison de qualités. Quand vous touchez l’un des paramètres, vous changez quelque chose. Quelque fois c’est positif, mais parfois ça s’avère négatif et le joueur ne progresse pas.
A-t-il encore besoin de travailler physiquement?
Oui… Il travaille de manière régulière, ça se traduit dans ses résultats. Ce n’est pas seulement sur le plan physique. Ce n’est pas un hasard s’il est huit fois de suite en 8e de finale d’un Grand chelem. Il est là parce qu’il est régulier dans le boulot, il n’est pas blessé. Il se prépare de plus en plus sérieusement en dehors du terrain, dans la diététique, la récupération. Il a une marge de progression qui existe, même si ce n’est pas la même qu’à 18 ans. Il peut progresser dans la connaissance de soi-même. Il y a des joueurs qui dépensent tellement d’énergie la nuit d’avant ou le matin que quand ils arrivent, ils sont cuits, ils ont des crampes au bout de deux heures. Pas parce qu’ils ne sont pas prêts, mais parce que l’émotion l’a emporté. Là on peut progresser jusque la fin de sa carrière.
Est-ce qu’il aime le travail physique?
Il y a pris goût. Quand il revient sur Paris, il n’y a pas une semaine où on ne va pas faire notre parcours dans le bois de Boulogne, 45 minutes, une heure. Avant, il rentrait chez lui quatre ou cinq jours, il décrochait, il se détendait, il revenait hors de forme. Aujourd’hui non. S’il rentre à Béziers ou à Sérignan, il est allé courir, de lui-même, il ne reste pas inactif. Du coup, il ne perd jamais complètement sa condition. En match et en dehors. On fait des choses qui sont dures. Il sait que le prix à payer ce sont les efforts. Et ils ne sont pas gratuits: il n’y a pas grand-monde qui aime l’effort pour l’effort.
Qu’est-ce qu’il doit encore travailler physiquement?
Il pourrait gagner encore en élasticité musculaire, c'est-à-dire en agilité. Un garçon comme Djokovic, ou comme Murray, en bout de course, ils sont très élastiques, c’est du caoutchouc. Ca leur donne beaucoup de mobilité sur le court. Ca se bosse par un travail d’étirement et des exercices spécifiques où on emmène le joueur dans des positions extrêmes. Mais ça se travaille un peu moins facilement à 26 ans que ça ne se ferait à 15.