C1/Real Madrid-Dortmund: «Remontada», mode d'emploi
FOOTBALL – Le club madrilène est spécialiste des retournements de situation à domicile...Julien Laloye
Il faut avoir vécu un jour en Espagne pour le voir. Voir ce supporterisme exacerbé de la presse sportive locale, cette agitation attendrissante des socios, ces vieilles vidéos en VHS ressorties du placard par les journaux télévisés…Tout ça pour célébrer l’art de la «remontada». Car en Espagne et surtout à Madrid, la «remontada», ou le retournement de situation, ne doit rien au hasard. Elle obéit soigneusement aux mêmes règles depuis les années 80 et les exploits de la «Quinta del buitre». Pour espérer remonter quatre buts à Dortmund et rejoindre la finale de la Ligue des champions, le Real sait les étapes à suivre.
En appeler aux mythes
Faire revivre le glorieux passé, c’est le rôle des éditorialistes de la presse spécialisée. Dès la fin du match aller, les plus influents ont lancé «l’opération 3-0», et rappelé les précédents qui ont fait la légende merengue: Anderlecht, Mönchengladbach ou l’Inter Milan. C’est avant le match retour face aux Italiens (0-2 à l’aller), en 1985, que Juanito, un attaquant du Real, théorise le concept de «remontada» à Bernabeu. «Il faut à tout prix donner le coup d’envoi. Et frapper en premier, avant que l’adversaire n’ait pu toucher le ballon. Peu importe si c’est cadré ou si c’est en tribunes».
Le très cultivé Jorge Valdano intellectualise le procédé d’intimidation en empruntant à Garcia Marquez le concept de «miedo escenico», cette «peur panique» censée envahir tout adversaire pénétrant sur la pelouse madrilène. Plus terre à terre, Mourinho préfère ne pas trop jouer sur la corde mythologique: «Je respecte énormément l’histoire. Mais le tableau d’affichage ne nous est vraiment pas favorable et c’est compliqué d’avancer que nous pouvons passer.» Compliqué, mais pas impossible.
Conditionner le public
Les socios espagnols, au Camp Nou comme à Santiago Bernabeu, viennent d’abord voir un spectacle. Applaudir, si ça en vaut la peine, mais encourager, très peu pour eux. Sauf lors des grandes occasions. A charge de l’institution et des joueurs de chauffer à blanc leur public avant la rencontre. «On joue notre vie mardi, le public doit faire monter l’ambiance dès les premières secondes», demande Sergio Ramos. Le défenseur de la Roja a également participé à un clip officiel du club «spécial remontada», dans lequel même Cristiano Ronaldo se fend d’un message pour les supporters: «Nous n’y arriverons que si vous êtes à nos côtés.»
Ceux qui auraient échappé à ces incantations guerrières ont reçu un mail signé leur demandant de se rendre au stade «vêtus de blanc et prêts à encourager leur équipe comme jamais». Le genre de mobilisation qui paye, comme en 2005, lorsque 40.000 socios avaient rempli Bernabeu pour voir rejouer… six minutes d’un match contre la Real Sociedad. Suffisant pour que le Real parvienne à l’emporter.
Jouer le tout pour le tout d'entrée
José Mourinho, qui ne passe pas pour l’entraîneur le plus offensif du monde, sait qu’il joue sa réputation sur cette demi-finale retour. Débauché à prix d’or par le Real pour lui faire gagner une dixième C1, le Portugais a déjà échoué deux fois à ce stade de la compétition. A chaque fois, ses consignes attentistes à l’aller ont obligé son équipe à chercher l’exploit au retour sans y parvenir. Va-t-il changer ses plans face à Dortmund? «En Allemagne, chacun savait quel onze allait débuter. La situation ici pourrait être différente. Je peux utiliser de nouveaux joueurs ou un nouveau système», répond le «Spécial one».
Les dernières rumeurs évoquent une titularisation de Modric au milieu aux côtés de Xabi Alonso, derrière le quatuor habituel Ozil-Ronaldo-Higuain-Di Maria. Mourinho pourrait aussi choisir d’y ajouter Benzema d’entrée. Ca rapprocherait son onze de départ de celui aligné par Luxemburgo lors de la dernière tentative de «remontada» du Real Madrid, après un 6-1 concédé en Coupe d’Espagne en 2006. Beckham, Julio Baptista, Zidane, Robinho, Ronaldo et Raul avaient tous débuté. Et inscrit trois buts en moins d’un quart d’heure. Pile ce qu’il faudrait mardi soir.