Ligue 1: Mais pourquoi les pelouses françaises sont-elles si mauvaises?
FOOTBALL•Les terrains français subissent un sale hiver...B.V.
Quel est le point commun entre Brest, Reims, Toulouse et Montpellier? Non, il ne s’agit pas du classement des villes fleuries ou de patrimoine culturel, mais bien de l’état de leur pelouse, vivement critiqué ces derniers temps en Ligue 1. Comme chaque année, dès que les températures plongent, les gazons français se désagrègent et souffrent de la comparaison avec ceux d’Angleterre ou d’Allemagne. Et l’on assiste à un festival de contrôle à trois mètres et de passes ratées. Mais plus que d’habitude?
«C’est une période exceptionnelle, il n’a jamais autant plu depuis cinquante ans, explique Hervé Lançon, président la Fédération des sols sportifs. On atteint la capacité de drainage des pelouses. L’eau, c’est ce qui détruit le plus: ça décompacte la terre et ça sature, ça fait de la boue et quand on marche dessus, on tue le système racinaire et on met sous l’eau la plante elle-même.» D’accord, mais il pleut aussi en Angleterre…
Une question de budget et de culture
«Les clubs anglais ont des budgets beaucoup plus importants que les nôtres, poursuit Hervé Lançon. On saurait très bien gérer les intempéries si on mettait vraiment les moyens, mais ça coûte assez cher d’entretenir une pelouse, surtout que les désagréments ne durent que quelques semaines.» Installer un chauffage au sol ou un système de luminothérapie (lumière artificielle) est en effet un investissement que tout le monde ne peut pas se permettre. «Barcelone paie 300.000 euros par an pour installer des rampes chauffantes, insiste Francis Mondoloni, jardinier d’Ajaccio depuis 1999. Nous on préfère les mettre ailleurs…»
Ce qui explique pourquoi certains clubs (Lyon, Lille, Valenciennes) peuvent «s’acheter» une belle pelouse, quand d’autres font ce qu’ils peuvent. Car en France, c’est un fait, la pelouse est encore un souci secondaire. Là où les Anglais organisent chaque année un classement du meilleur «greenkeeper» (jardinier en charge d’une pelouse de Premier League), la France manque cruellement de «culture gazon». L’explication venant parfois du fait que se sont souvent des employés de mairies –les Stades appartiennent en général à la municipalité– et non spécialistes attitrés qui s’occupent des pelouses.
Le rugby n’arrange rien
Ce qui a d’ailleurs provoqué le courroux d’Alain Casanova, l’entraîneur de Toulouse, il y a quelques semaines: «Les employés municipaux qui étaient là cette semaine n’ont pas pu s’occuper des terrains. Ils ont fait du cache-misère sur la pelouse du Stadium, avec des plaquages qui sont parqués depuis deux mois au centre d’entraînement et qui ne sont pas prêts à être installés». «Quand on fait ce travail-là, il faut de la passion, tranche Mondoloni. Si vous faites ça pour gagner votre vie, que vous arrivez le matin et que vous faîtes vos heures, vous n’avez pas de résultats. Il faut anticiper, prévoir les changements de météo, s’occuper du terrain après chaque entraînement. C’est un travail de fourmis.»
Le témoignage le plus marquant de ce manque de culture reste encore dans l’utilisation faite de certains stades. Véritables sanctuaires outre-manche, les pelouses sont parfois saccagées par des matchs de rugby délocalisés (Lille se souvient encore du test France-Argentine en novembre dernier) ou quelques concerts. «Au Stade de France, on voit du foot, du rugby, Madonna et Céline Dion», rigole Hervé Lançon. Mondoloni poursuit: «Plus on en fait sur une pelouse l’hiver, plus elle va souffrir. Si on met des plaques de bois, qu’on marche dessus, elle manque d’air. Au Stade de France, elle est changée cinq fois par an et ça coûte 150.000 euros à chaque fois.» Et ça, tout le monde ne peut pas se le permettre.