En images : CRS, heurts, débat, lapin… La visite chaotique d'Emmanuel Macron au Salon de l’agriculture
diaporama•Le contexte des manifestations des agriculteurs laissait présager une visite compliquée pour Emmanuel Macron, ce samedi 24 février 2024Marion Pignot
Jamais de mémoire de policiers et d’agriculteurs, le Salon de l’Agriculture n’avait vu, pour la venue d’un chef de l’Etat, CRS et gendarmes mobiles s’affronter avec des manifestants dans son enceinte même, donnant l’image d’un immense chaos. Le contexte de grande colère des agriculteurs laissait présager une visite compliquée samedi pour le président. Mais de là à imaginer des forces de l’ordre casquées et boucliers en main tentant de contenir des agriculteurs en colère, jamais.
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Emmanuel Macron est arrivé autour de 8 heures dans un climat de tension au Salon de l’agriculture où des dizaines de manifestants ont forcé une grille pour entrer dans les lieux avant l’heure. Alors que le président arrivait, au même moment des manifestants, certains munis de sifflets, se sont précipités dans l’entrée principale où des heurts se sont produits avec le service d’ordre.
«Macron démission » et « rendez-le », ont crié des manifestants à l’intérieur du Parc des Expositions de la Porte de Versailles. « Macron démission », « fumier », « barre-toi », ont entendu également des journalistes de l’AFP.
« On ne voulait pas que Macron entre sans avoir donné sa vision pour l’agriculture sur vingt ans. Ça fait 22 jours qu’on attend des réponses et on n’a pas le début d’une réponse c’est inadmissible », a indiqué un manifestant, Jean Lefèvre, un agriculteur de la FNSEA venu de l’Oise.
Les manifestants sont entrés dans le Salon sans être fouillés avant l’ouverture officielle, comptant des agriculteurs exaspérés de la Coordination rurale, de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs, reconnaissables à leurs drapeaux et casquettes distinctives. Cherchant le président de la République dans les allées, ils en sont venus aux mains avec le service d’ordre qui tentait de les stopper, et des coups ont été échangés.
Quatre compagnies de CRS étaient mobilisées depuis 6 heures du matin aux abords du Parc des Expositions. Et deux autres sont venues en renfort dans la matinée. Il y avait aussi des compagnies de gendarmes mobiles. Il y avait également des policiers en civil de la préfecture de police de Paris, des policiers de la CRS 8 (l’unité spécialisée dans les opérations de lutte contre les violences urbaines et autres), des forces de l’ordre à cheval…
L’événement, le plus grand salon de France qui attend 600.000 visiteurs sur neuf jours, ouvre d’ordinaire ses portes à 9 heures. Dès 9h15, les organisateurs ont finalement décidé de « retarder l’ouverture de la 60e édition » de l’événement, sans donner d’horaire.
Le salon a finalement ouvert avec une heure de retard, mais le pavillon envahi par les manifestants, celui où se trouvaient les vaches, cochons et chèvres, est resté fermé avant d’ouvrir une fois les tensions terminées. Les visiteurs, venus de toute la France, ont dû patienter longuement avant de pouvoir entrer.
Emmanuel Macron a annoncé qu’il réunirait dans trois semaines à l’Elysée « l’ensemble des organisations syndicales, l’ensemble des filières agricoles » pour tenter de répondre à la colère des agriculteurs. « Vous entendez les énervements dès ce matin et je le dis pour tous les agriculteurs : vous venez aider aucun de vos collègues en cassant des stands. Vous n’aidez aucun de vos collègues en rendant le salon impossible et en quelque sorte en faisant peur aux familles, a-t-il fait valoir. C’est contre productif. Et donc j’appelle tout le monde ici au calme. »
Le calme est revenu vers 10 heures dans le pavillon 1 du Salon, celui où vaches, cochons et chèvres sont exposés, et qui a vu l’irruption de centaines de manifestants qui ont forcé les grilles. Ce hall, d’habitude le plus visité, est resté fermé au grand public une heure de plus que les autres halls du Salon, qui ont eux-mêmes ouvert avec près d’une heure et demie de retard. Les familles ont finalement pu aller caresser les bêtes.
Malgré les vives tensions à son arrivée, Emmanuel Macron a rencontré, au cours d’un échange improvisé, des agriculteurs et des représentants des différentes organisations syndicales au Salon de la profession, en mettant en avant son envie de « dialogue ».
Les différents syndicats avec lesquels le président de la République a pris le petit-déjeuner à son arrivée au Salon ont dû chacun envoyer une représentation pour ce débat, qui se tient malgré l’annulation du « grand débat » initialement prévu.
Emmanuel Macron a appelé à ce que le Salon de l’agriculture « se passe bien, dans le calme ». « C’est un moment de fierté, de reconnaissance et donc il faut que ce salon se passe bien, dans le calme pour l’agriculture française », a déclaré le chef de l’Etat, constatant également « qu’on ne répondra pas en quelques heures à cette crise agricole ».
Accoudé sur une table mange-debout, veste de costume tombée, le président a recueilli les doléances d’agriculteurs de la FNSEA, des Jeunes agriculteurs et de la Coordination rurale, dont les membres aux bonnets jaunes ont participé aux bagarres un peu plus tôt avec le service d’ordre du salon, parmi d’autres protestataires.
« Je suis en train de vous dire que le boulot est fait sur le terrain, on a repris les copies, on est en train de faire toute la simplification », s’est défendu Emmanuel Macron.
Reconnaissant des « difficultés » sectorielles, Emmanuel Macron a toutefois appelé samedi les agriculteurs, lors d’un débat au Salon de la profession, à ne « pas dresser un portrait catastrophiste » de la situation car « la ferme France reste forte ». « La ferme France, c’est faux de dire qu’elle est en train de se casser la gueule », a lancé le chef de l’Etat, au cours d’un débat improvisé avec des agriculteurs. « Il y a des gens qui sont en très grande difficulté » mais « il ne faut pas dresser un portrait catastrophiste de notre agriculture ». « Je dis juste qu’il y a une réalité : la ferme France, elle reste forte, elle produit » et « elle exporte », a-t-il insisté.
Notant les questions sur une feuille de papier, tentant parfois difficilement de répondre entre les éclats de voix et protestations, le président a notamment été interpellé pêle-mêle sur les conséquences de la guerre en Ukraine, la simplification administrative, l’écologie vécue comme « punitive » par certains agriculteurs ou encore la rémunération des agriculteurs.
Cédant au tutoiement au fur et à mesure que l’heure tournait, parlant parfois avec un langage familier et demandant qu’on lui « fasse confiance », Emmanuel Macron a également appelé à un peu d’optimisme.
Emmanuel Macron a poursuivi en début de soirée sa visite au Salon de l’agriculture dans le calme car derrière un cordon de sécurité massif, qui l’isole des agriculteurs qui expriment leur colère à l’extérieur du pavillon visité. Pendant plusieurs heures encore, de façon intermittente, il y a eu des agriculteurs poussant violemment les forces de l’ordre qui elles-mêmes les repoussaient vivement.
Dans un hall mis sous cloche par les forces de l’ordre, aux allées largement vides, le chef de l’Etat, entouré d’une meute de gardes du corps, de journalistes et de responsables, a fait des selfies, goûté des huîtres et été à la rencontre des pêcheurs…
Le chef de l’État a goûté du miel du pays d’Auge, du fromage de Haute-Savoie, a serré des mains et répondu aux interpellations, l’air quasi imperturbable, mais sa voix a été régulièrement couverte par le vacarme des sifflets et des insultes de centaines d’agriculteurs et le programme initial complètement bouleversé par une pagaille inédite.
Emmanuel Macron a donné rendez-vous aux représentants syndicaux d’ici trois semaines, après le Salon, qui durera jusqu’au 3 mars.
Mais en cette période, les agriculteurs seront en train de préparer leurs champs pour le printemps, alors que le salon a lieu traditionnellement au coeur de l’hiver, quand les champs requièrent moins de travail. Quand le chef de l’État recevra les syndicats à l’Élysée, les agriculteurs pourront passer moins de temps en dehors de leur ferme, relèvent des observateurs.