Réforme des retraites : Ouvrir la porte des négociations, simple technique managériale ?
dialogue•En plein examen du texte sur la réforme des retraites au Sénat, l’exécutif annonce que « la porte des négociations » avec les syndicats est plus qu’ouverte. Réelle volonté de débattre pour calmer la grogne, ou simple question rhétorique ?Octave Odola
L'essentiel
- Examiné au Sénat, le projet de réforme des retraites porté par le gouvernement est fortement contesté par les syndicats depuis plusieurs mois.
- Dans ce contexte, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a affirmé que « la porte du gouvernement est plus qu’ouverte » aux négociations avec les syndicats.
- Réelle volonté de dialogue ou simple question rhétorique empruntée aux techniques managériales d’entreprise ? 20 Minutes a posé la question à la majorité, à un représentant syndical et à deux spécialistes du monde du travail.
On l’imagine lourde, blindée et pas facilement manipulable. Entrebaillée, elle laisserait entrevoir une large pièce, avec, au centre, une table ornée de prête-nom, de micros et de bouteilles d’eau en plastique. Elle, c’est la porte des négociations, celle de la contestée réforme des retraites, dont le texte est en cours d’examen en ce moment même au Sénat.
A en croire Olivier Véran, cette fameuse porte « est plus qu’ouverte aux syndicats qui depuis effectivement un certain nombre de semaines ne l’ont pas franchi ». Au micro de RTL mercredi matin, le porte-parole du gouvernement affirme être « dans le dialogue », alors que les organisations syndicales demandent à être reçues « en urgence » par Emmanuel Macron.
L’exécutif « fait preuve d’ouverture »
Mais, après plusieurs mois de contestation syndicale unie et un passage mouvementé du texte à l’Assemblée nationale, l’hypothèse d’une sortie de crise par le dialogue peut-elle être sérieusement envisagée ? Ou est-ce une simple question rhétorique, un peu comme quand votre manager affirme qu’il est prêt à discuter, mais ne se rend jamais disponible ?
Côté majorité, on n’en démord pas : oui, le dialogue avec les syndicats est possible, d’ailleurs, il l’a toujours été. « Le fil n’a jamais été rompu. Le ministre du Travail discute en permanence avec les partenaires sociaux, la Première ministre aussi, il faut que ce dialogue se poursuive. On n’est pas dans une logique de piège. L’exécutif fait preuve d’ouverture. On peut dialoguer même si on n’est pas d’accord. C’est important de le redire aujourd’hui », appuie Mathieu Lefèvre, député Renaissance du Val-de-Marne.
Cette phrase, « une technique politicienne pour avoir le beau rôle »
Une sortie de la majorité qui paraît loin du compte pour faire entrer les représentants syndicaux à la table des négociations. Cette phrase, « c’est une technique politicienne pour avoir le beau rôle. Là, un texte est imposé, et après on nous demande de venir discuter, c’est un peu fort de café. L’exécutif veut essayer faire varier l’opinion, qui est majoritairement contre cette réforme. Il ne faut pas inverser la situation. C’est lui qui attaque les salariés français. C’est une technique pour essayer de nous faire porter le chapeau », constate Jean-Christophe Delprat, secrétaire fédéral à FO transports et logistique, en charge du secteur de la RATP.
Et, si, en communiquant de cette façon, Olivier Véran n’avait pas enfilé une casquette de N + 1, le gouvernement jouant le rôle de l’employeur face aux salariés. « En entreprise, ça ressemblerait une technique managériale, celle de rendre actifs les collaborateurs. On part du principe qu’ils puissent être acteurs. Par exemple, allez solliciter son manager pour demander une évolution, plutôt que d’attendre. Parfois, les RH appellent ça le collaboracteur (mix de collaborateur et d’acteur). Mais, pour que ça marche, il faut que le contexte soit apaisé », analyse Séverine Loureiro, conférencière et responsable de « l’expérience collaborateur » dans un groupe bancaire.
Des paroles et des actes
Et, justement, le contexte, lui, ne semble pas se prêter au dialogue social dans cette grande entreprise nommée la France. « Le prérequis, c’est que l’entreprise doit mettre en place les conditions pour le dialogue. Si on est dans un contexte où il est difficile d’accéder à son manager, où c’est tendu avec sa hiérarchie, si les conditions d’accessibilité et de confiance ne sont pas garanties, c’est très difficile pour un collaborateur d’être acteur. Dans une situation tendue, cela peut être vu comme une provocation. Le meilleur moyen de débloquer la négociation, ce n’est pas de l’annoncer, c’est de prendre rendez-vous directement avec le collaborateur », précise notre analyste.
« Pour que la porte soit vraiment ouverte, il faut le montrer par des actes, des comportements, une véritable écoute, même si la décision ne va pas dans le sens de la personne à la fin », indique Carole Méziat, fondatrice du site de coaching professionnel On n’est pas des robots.
En juin dernier, Emmanuel Macron avait reçu à déjeuner les principaux représentants syndicaux, à l’exception du secrétaire général de la CGT Philippe Martinez, qui avait décliné l’invitation. Ce mercredi, Olivier Véran a annoncé la volonté de l’exécutif de « recevoir les partenaires sociaux (…) pour continuer à bosser sur des textes importants ». Des paroles, et bientôt des actes ? Réponse devant la machine à café de l’Elysée.
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