Retraites : Un étranger qui n’a pas cotisé peut-il toucher 960 euros d’allocation de solidarité ? Pas si simple
Fake Off•L’allocation de solidarité pour les personnes âgées, ouverte aux personnes âgées à faibles ressources de plus de 65 ans, est attribuée sous conditions de résidence et de ressources, avec des conditions plus strictes pour les étrangersEmilie Jehanno
L'essentiel
- Sur Facebook, un post viral affirme un peu vite qu’un « étranger qui n’a jamais cotisé touche 960 euros d’allocation de solidarité pour les personnes âgées » (Aspa), quand les Français devraient cotiser jusqu’à 64 ans.
- Ce type de messages montre « une profonde méconnaissance de la façon dont fonctionne cette prestation », pointe Isabelle Sénécal, responsable du pôle plaidoyer des Petits frères des pauvres.
- Cette allocation est différentielle, c’est-à-dire qu’elle vient en complément d’un revenu. La majorité de ses bénéficiaires ont travaillé et cotisé, mais pas suffisamment pour avoir une retraite décente.
Le projet de loi visant à repousser l’âge légal de départ à la retraite réveille de vieilles rengaines anti-étrangers, alors qu’une nouvelle journée de grève a eu lieu le 7 février 2023. Sur Facebook, un post viral affirme un peu vite qu’un « étranger qui n’a jamais cotisé touche 960 euros d’allocation de solidarité pour les personnes âgées » (Aspa), quand les Français devraient cotiser jusqu’à 64 ans.
FAKE OFF
Sauf que cette allocation, ouverte aux personnes âgées de plus de 65 ans, voire un peu plus jeunes en cas d’invalidité, est attribuée sous conditions de résidence et de faibles ressources (en cumulant pensions de vieillesse et d’invalidité, revenus professionnels, revenus du patrimoine et revenus mobiliers et immobiliers). Et ces conditions sont plus strictes pour les étrangers : il faut notamment résider en France de manière stable et avoir de façon continue depuis au moins dix ans un titre de séjour autorisant à travailler. Pour une douzaine de nationalités, en fonction d’engagements avec les pays d’origine, les conditions sont les mêmes que pour les personnes de nationalité française, selon certaines exigences.
Ce type de messages montre « une profonde méconnaissance de la façon dont fonctionne cette prestation », pointe Isabelle Sénécal, responsable du pôle plaidoyer des Petits frères des pauvres, contactée par 20 Minutes. Tout d’abord, cette allocation est différentielle, c’est-à-dire qu’elle vient en complément d’un revenu. La majorité de ses bénéficiaires ont travaillé et cotisé, mais pas suffisamment pour avoir une retraite décente. Les prestations sont financées par la solidarité nationale, via le Fonds de solidarité vieillesse et le Fonds spécial d’invalidité et sont essentiellement versées par les caisses de retraite
Les femmes seules, principales bénéficiaires
L’Aspa est, avec l’Allocation supplémentaire de vieillesse (ASV), une des deux allocations qui permet d’atteindre le minimum vieillesse, explique la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) dans son panorama 2022 Les retraités et les retraites. Si une personne dans un couple, par exemple, peut recevoir l’Aspa, le montant maximum qu’elle peut toucher sera de 961,08 euros par mois, si les revenus du couple ne dépassent pas 1.492,08 € par mois, selon le barème fixé au 1er juillet 2022.
Les femmes seules constituent la moitié des bénéficiaires d’allocations de minimum vieillesse (ASV ou Aspa). « Cette surreprésentation des femmes s’explique par une plus grande longévité et par la faiblesse de droits propres en matière de retraite acquis par des générations de femmes qui ont peu ou pas participé au marché du travail », avec des carrières courtes et incomplètes, note la Drees dans une fiche sur le profil des allocataires du minimum vieillesse.
Un fort taux de non-recours
Selon les données de la Drees, fin 2020, 460.690 personnes ont reçu l’Aspa d’une des caisses de retraite (régime général, régimes spéciaux, professions libérales, etc.), dont 45.190 sont bénéficiaires du dispositif dit Saspa (service d’allocation de solidarité pour les personnes âgées). Ces bénéficiaires Saspa n’ont effectivement jamais cotisé. Depuis 2020, c’est la Mutualité sociale agricole (MSA) qui gère les demandes de Saspa pour ces personnes âgées avec des parcours de vie « marqués par la fragilité, notamment un éloignement durable du marché du travail, une situation de handicap, de faibles ressources », indique la MSA.
Selon des données de 2016, 17 % des allocataires de l’ASV ou de l’Aspa ne disposent d’aucun droit propre à la retraite et n’ont donc pas cotisé. Là encore, il s’agit très majoritairement de femmes (75 %), souligne la Drees. « Heureusement que ce système qui limite la précarité des personnes âgées, et surtout des femmes très âgées, existe », défend Isabelle Sénécal, qui souligne aussi le fort taux de non-recours au minimum vieillesse en raison de la méconnaissance de ses droits et de la non-récupération sur succession.
Une aide de 337 euros en moyenne
Dans une synthèse sur le sujet en mai 2022, la Drees estimait que 50 % des personnes seules éligibles au minimum vieillesse n’y recourent pas (soit plus de 300.000 personnes), à partir de données de 2016. Il a aussi été estimé que, s’ils en faisaient la demande, ces non-recourants percevraient 205 euros en moyenne par mois, tandis que les recourants bénéficient en moyenne de 337 euros par mois.
Il existe, par ailleurs, une aide à la vie familiale et sociale des anciens migrants. Elle est destinée aux étrangers âgés de plus de 65 ans ayant de faibles ressources et qui voudraient effectuer des séjours de plus de six mois dans leur pays d’origine pour se rapprocher de leur famille. Mais elle est peu demandée : en 2020, moins de 40 personnes bénéficiaient de cette aide, selon la Drees.