Réforme des retraites : 55.000 manifestants à Paris... D’où sort ce chiffre ?
Grève du 31 janvier•Le cabinet Occurrence, chargé par plusieurs médias de compter les manifestants, défend sa méthodeEmilie Jehanno
L'essentiel
- Lors de la deuxième journée de manifestation contre la réforme des retraites le 31 janvier, 55.000 personnes ont défilé à Paris, selon le cabinet Occurrence.
- Le chiffre a été raillé sur les réseaux sociaux et paraît bien faible, comparé aux 500.000 manifestants avancés par les organisations syndicales ou aux 87.000 personnes recensées par la préfecture de police de Paris.
- Le cabinet Occurrence explique à 20 Minutes son dispositif.
55.000 manifestants à Paris contre la réforme des retraites. Le chiffre a été raillé sur les réseaux sociaux. « Un enfant de 10 ans serait capable de compter mieux que ça une manif », se moque un internaute dans un tweet partagé plus de 500 fois. Lors de la deuxième journée de manifestation contre le projet de loi visant à repousser à 64 ans l'âge légal de départ, 55.000 personnes ont défilé à Paris le 31 janvier, selon Occurrence. Le cabinet d’études et de conseil en communication est chargé par plusieurs médias de comptabiliser les manifestants, notamment pour l’AFP, Mediapart, Libération, Le Monde, FranceTV, RadioFrance, CNews, BFM TV.
Le chiffre paraît bien faible, comparé à ceux diffusés par les organisations syndicales, pour qui il y a eu 500.000 manifestants ou pour la préfecture de police de Paris, qui a dénombré 87.000 personnes. « On me demande beaucoup d’expliquer le décalage avec les autres chiffres, note Assaël Adary, président d’Occurrence, auprès de 20 Minutes. Je ne sais pas le faire, je ne peux expliquer que mon chiffre, qui se base sur une méthode scientifique. » Contactée, la CGT n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet.
« Une technologie avec une intelligence artificielle »
Quelle est la méthode utilisée par le cabinet Occurrence ? Sur le parcours principal, entre la place d’Italie et la place Vauban, trois personnes étaient chargées de compter les manifestants, à l’aide de deux capteurs, depuis le cinquième étage de l’hôtel Raspail, au 203 boulevard Raspail. Sur le parcours secondaire, le dispositif était plus léger avec deux personnes, une captation vidéo et un recomptage au fur et à mesure depuis l’hôtel Villa Montparnasse, 2 rue Boulard, qui fait l’angle avec la rue Froidevaux et offre une vue dégagée sur cette dernière.
« Ce capteur, c’est une technologie qui crée un champ avec une intelligence artificielle, qui sait détourer les personnes en analysant les images par des effets de contrastes entre les personnes et le sol, qui va être d’une couleur fixe, explique Assaël Adary. C’est comme une ligne d’arrivée et toutes les personnes qui traversent cette ligne virtuelle sont identifiées et comptées. » Ce capteur est conçu par une entreprise française, Eurecam, spécialisée dans le comptage intelligent et dont les technologies sont utilisées pour organiser les flux dans les aéroports ou sécuriser les musées, les sites industriels.
Des microcomptages humains
Sur le parcours principal, l’équipe d’Occurrence est restée positionnée presque trois heures, entre 15h26, début du passage du cortège et 18h17, sa fin, selon le document du cabinet que nous avons pu consulter.
Toutes les 10 secondes, le capteur compte les personnes, ce chiffre est ensuite redressé grâce aux microcomptages humains. « On va compter 12, 13, 14 fois des petites séquences de 30 secondes pour vérifier que notre capteur compte bien, qu'il ne surcompte ou ne sous-compte pas, lorsque le cortège devient plus dense, et on va le corriger tout au long de la manifestation », détaille le président d’Occurrence, qui tient à souligner la fiabilité du capteur en période peu dense.
Au total, le chiffre brut fourni par le capteur est de 42.818 manifestants dans le cortège principal, redressé et arrondi à 50.000 personnes, auxquelles s’ajoutent 4.600 manifestants du cortège secondaire, arrondi à 5.000. Voilà comment le cabinet Occurrence parvient le 31 janvier au nombre de 55.000 manifestants à Paris.
Un débat sur le comptage en manifestations
« On a recompté aujourd’hui (1er février) à partir de la vidéo le parcours secondaire et on arrive à 6.500 personnes au lieu de 5.000, ajoute Assaël Adary. On est en train de recompter le parcours principal à la main, mais c’est plus long et les chiffres arriveront plus tard. » A partir de ces données, pourrait-on plutôt évoquer alors « au moins 55.000 personnes » ? Car, en manifestation, les trottoirs peuvent être occupés, certains manifestent sur une partie seulement du parcours, refluent en cas d’incidents, etc.
« Au moins 55.000 manifestants, ça peut être une piste, reconnaît-il. D’autres suggèrent une fourchette, mais ce qui me gêne, c’est que je ne connais pas leur méthode, je ne sais pas comment les syndicats arrivent à 500.000. Et je m’oppose vraiment quand on met sur le même pied méthodologique les trois. Ces chiffres ne sont pas sur le même plan de vérité », argue-t-il, plaidant pour un débat ouvert et transparent sur les comptages en manifestations.