INTERVIEWPrisons: Jean-Marie Delarue veut «effacer l'ardoise des petites peines»

Prisons: Jean-Marie Delarue veut «effacer l'ardoise des petites peines»

INTERVIEWLe contrôleur général des lieux de privation de liberté Jean-Marie Delarue veut réduire le nombre de détenus par une amnistie...
Propos recueillis par Vincent Vantighem

Propos recueillis par Vincent Vantighem

En une phrase, Jean-Marie Delarue résume les raisons qui l’ont poussé à prendre position sur la question de la surpopulation carcérale. Les prisons de France n’ont, en effet, jamais été aussi remplies. Le contrôleur général des lieux de privation de liberté publie donc, ce mercredi, un avis au Journal officiel. Il en dévoile les grandes lignes en exclusivité pour 20 Minutes.

En quatre ans, vous n’aviez jamais pris position sur la surpopulation carcérale. Pourquoi maintenant?

Parce que la situation est devenue critique. Les détenus vivent dans l’horreur de la promiscuité. Les surveillants font face à de plus en plus de tensions. Et, ce n’est pas mauvais d’aider le nouveau gouvernement dans sa réflexion.

Quels problèmes cette surpopulation engendre-t-elle?

L’opinion publique pense que plus les prisons sont pleines, plus la société est sûre. Je remets ça en cause. Les prisons surpeuplées rendent la réinsertion difficile. Le suivi de chaque détenu se complique. Le travail derrière les barreaux se raréfie. Je ne cède rien sur la sécurité. Je me demande juste si, dans ces conditions, la prison est efficace. La vérité éclate le jour de la sortie d’un détenu. Pas le jour de son entrée…

Le gouvernement précédent a décidé d’exécuter un reliquat de 100.000 peines qui n’étaient pas suivies d’effets. Etait-ce une bonne décision?

Il faut exécuter les sanctions quand elles sont prononcées. Aujourd’hui, on se retrouve avec des peines datant de 2008 qui n’ont pas été exécutées. On va chercher un type condamné à un mois de prison pour deux excès de vitesse il y a quatre ans. Cela n’a pas de sens!

Que proposez-vous?

Une loi d’amnistie. Effaçons l’ardoise des petites peines. Oublions les peines de moins de six mois de prison et celles qui ont été prononcées il y a plus de deux ans. Cela permettra de remettre les compteurs à zéro.

Vous allez être taxé de laxisme…

Je ne suis pas angélique. Mais sommesnous aussi assoiffés de sécurité? Je ne le crois pas. Et j’aimerais que les politiques aient un peu de courage…

Justement, pensez-vous que le gouvernement reprendra votre proposition?

Au moment de la loi sur l’exécution des peines, l’opposition de gauche avait voté contre. Aujourd’hui, elle est aux affaires. Le nouveau gouvernement a le pouvoir de remettre les cartes sur la table.

57.170 places pour 67.073 détenus

Des détenus condamnés à quelques jours de «mitard». La sanction prononcée, il y a quelques semaines, à la maison d’arrêt de Metz (Moselle) peut sembler banale. C’est la raison de cette condamnation qui l’est moins. «Ces détenus avaient juste refusé de dormir sur des matelas à même le sol, confie un surveillant désabusé. Il n’y avait pas assez de lits pour tout le monde…»

Depuis septembre 2011, la population pénale est en constante augmentation. Au dernier décompte, début mai, la France recensait 67.073 détenus pour 57.170 places. Dix prisons affichaient même un taux d’occupation supérieur à 200%. «Il y a plus de tension, confie David Daems de FO-Pénitentiaire. Surtout, nous ne pouvons plus contrôler tout le monde comme nous devrions le faire.»

Dans son programme, François Hollande a prévu de «favoriser les alternatives à l’enfermement». Jean- Marie Delarue lui soumet quelques idées dans l’avis publié ce mercredi. « Il faut réfléchir à de nouvelles peines comme les chantiers extérieurs ou les arrêts à domicile. Certains détenus les respecteraient.» Contacté mardi, le ministère de la Justice a simplement assuré à 20 Minutes qu’il avait pris connaissance de ces propositions. La loi d’amnistie ne peut, elle, être décidée que par le président de la République.