Vidéo: Tristane Banon: «Je ne peux pas forcer DSK à comprendre son acte»
INTERVIEW•Dans le cadre de la 2e édition du Grand Forum «Marie-Claire» consacré aux violences sexuelles faites aux femmes, la journaliste Tristane Banon évoque son agression et les étapes qui l'ont conduite à porter plainte...Propos recueillis par Claire Béziau
En France, en 2012, que vous inspire la nécessité d'instaurer un forum contre les violences sexuelles faites aux femmes?
C'est une initiative à la fois merveilleuse et déplorable. Merveilleuse, parce que le fait de se préoccuper des femmes en France est très moderne et très circonscrit. Le fait d'organiser ce forum, et la participation de Najat Belkacem est un signe fort de la volonté gouvernementale. Après, il est déplorable qu'on ait besoin de faire cela.
Pourquoi avoir attendu autant avant de porter plainte, à la suite de l'agression sexuelle dont vous avez été victime par Dominique Strauss-Kahn?
Je n'ai pas porté plainte tout de suite, pour des raisons communes à toutes les femmes tout d'abord: Après une telle agression, il y a un instinct de survie qui se met en place. On veut oublier, reprendre une vie normale le plus vite possible. Ensuite, on a peur. Pas besoin que l'agresseur soit le futur grand patron du FMI pour cela. Les intimidations, elles sont présentes partout, que l'agresseur provienne du cercle familial ou professionnel. Dans mon cas personnel, s'est ajouté le fait qu'en portant plainte, ma vie serait foutue à jamais. Je serais étiquetée à jamais.
Quel a été le déclic pour vous?
Le 15 mai 2011, tout ce que je souhaitais éviter est arrivé. La plainte de Nafissatou Diallo envers DSK m'a mise sur le devant de la scène, mon histoire a été racontée en boucle partout. Vous avez l'impression d'être violée à nouveau, à chaque fois qu'on vous reconnaît dans la rue aussi. Jusqu'ici, je vivais depuis huit ans et demi une période d'anonymat qui était abjecte, je le reconnais maintenant, mais d'anonymat. Je me suis rendue compte que le seul moyen d'aller mieux et d'être reconnue comme victime était de porter plainte. Je me suis dit «Si Nafissatou Diallo a osé, je dois oser aussi».
Votre plainte a été classée sans suite, même si des faits «pouvant être qualifiés d'agression sexuelle» ont été reconnus par le parquet. Qu'attendez-vous de plus?
Ce serait important que Dominique Strauss-Kahn comprenne son acte, mais je ne peux pas le forcer. La reconnaissance du parquet, qui a été minimisée en France mais qui a eu une résonance dans le monde, est capitale. C'est le premier accroc dans le dossier de DSK.
Que diriez-vous à une femme qui hésite à porter plainte?
Que la résilience ne fonctionne pas si on ne parle pas. Il faut parfois des mois ou des années pour s'en rendre compte. Porter plainte est difficile, vous allez morfler, mais ce n'est qu'à ce prix-là que vous irez mieux. Les 8% de femmes qui portent plainte ont la chance d'être entourées et informées. On les force à se faire violence. Cela peut s'apparenter à une nouvelle violence mais elle est indispensable.
Avez-vous des projets précis dans le cadre de votre combat contre les violences sexuelles?
Il m'est difficile de m'engager dans des associations, qui sont souvent politisées. Je préfère agir ponctuellement, en intervenant là où l'on me demande d'aller, si bien sûr ma voix est intéressante. Je souhaite aussi aller dans les écoles afin d'évoquer les problématiques homme/femme à échelle d'enfant.
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