Sevrage tabagique: Quelle méthode pour quel fumeur?
SANTÉ•assage en revue des méthodes les plus efficaces pour dire adieu à la cigarette, selon votre profil...Claire Béziau
L'ouverture ce jeudi du 6e congrès national de la société française de tabacologie est l'occasion de rappeler que le tabac tue 6 millions de personnes chaque année dans le monde, dont 600.000 fumeurs passifs, d’après l’Organisation Mondiale de la Santé. Si, comme 60% des 13 millions de fumeurs français, vous souhaitez arrêter de fumer, 20 Minutes et le médecin et tabacologue Annie Najnudel vous proposent une revue, par catégorie de fumeurs, des méthodes de sevrage tabagique.
Evaluer votre niveau de dépendance
Pour savoir si vous êtes un «gros fumeur», inutile de compter vos cigarettes quotidiennes. «Un fumeur règle son inhalation en fonction de son besoin. Les gens qui fument moins de dix cigarettes par jour peuvent inhaler plus profondément, ou garder la fumée en bouche plus longtemps», précise Annie Najnudel. La dépendance est fonction de votre façon de fumer.
La première cigarette du matin est-elle la plus importante? C’est plus révélateur que le nombre de paquets consommés dans la journée.
Attention aussi aux cigarettes «roulées», qui équivalent à deux cigarettes manufacturées, et aux cigarettes «naturelles» qui peuvent être toxiques. «C’est la fumée qui est dangereuse. La nicotine, elle, installe la dépendance», rappelle la tabacologue.
Le test de Fagerstrom permet d’évaluer votre niveau de dépendance. Un score compris entre 0 et 4 vous offre une plus grande chance d’arrêter de fumer sans vous faire aider, car vos neurorécepteurs n’ont pas encore été beaucoup stimulés par la nicotine.
Vous êtes peu à moyennement dépendant
En avant toute sur les substituts nicotiniques. Dans cette catégorie, on trouve les patchs, les gommes, les inhaleurs ou les comprimés sublinguaux.
Les patchs, collés sur la peau, diffusent des doses variables de nicotine, de 5 à 21 mg par jour. La durée moyenne de traitement est de trois mois et ils peuvent être associés à d’autres substituts comme les pastilles (comprimés sublinguaux), que l’on laisse fondre sous la langue, l’inhaleur, qui dépose des goutelettes de nicotine sur les muqueuses bucales, ou encore les gommes à mâcher, dosées à 2 mg ou 4 mg.
Les substituts nicotiniques, une solution «simple et naturelle»
Mais trop souvent, ils sont mal utilisés. La dose est parfois mal adaptée, ce qui donne une impression d’inefficacité. On croit souvent à tort que le port du patch est incompatible avec une cigarette. Au début, on peut avoir envie de réguler sa consommation et continuer à fumer quelques cigarettes en complément.
«Le problème, c’est que le patient va enlever son patch pour fumer et ruiner tout son effet» prévient la tabacologue. La nicotine qui n’est plus apportée par le patch le sera par… davantage de cigarettes.
Quant aux gommes, elles peuvent être mâchées trop vite, ce qui empêche une bonne diffusion de la nicotine dans l’organisme.
Ces substituts sont de loin la solution «la plus simple et naturelle d’arrêter de fumer» selon Annie Najnudel, et ils ne sont pas incompatibles avec une grossesse.
«Les méthodes alternatives peuvent aider»
La variabilité des doses permet à tous les profils de fumeurs de les utiliser, et hormis le risque allergique (pour les patchs notamment), ils ne provoquent pas d’effets secondaires.
Rien ne vous empêche en parallèle d’effectuer une thérapie comportementale et cognitive. Ces courtes séances conduisent le patient à adopter de nouveaux réflexes et à se débarrasser de son addiction au tabac.
Elles sont efficaces pour les fumeurs peu dépendants, selon la tabacologue: «Ces thérapies renforcent la gestion du stress ou l’affirmation de soi». Elles visent le côté psychologique de l’addiction. Associées aux substituts nicotiniques, elles donneraient, sur le long terme, de bons résultats.
En tant que médecin, Annie Najnudel est plus réservée sur les méthodes alternatives telles que l’hypnose, l’acupuncture ou encore l’homéopathie. Mais elle admet leurs bienfaits pour un patient peu dépendant doté d’une volonté herculéenne: «Ces méthodes ‘placebo’ peuvent fonctionner si le fumeur est très motivé et qu’il y croit.»
Même chose concernant la méthode d’Allen Carr, selon elle «parfaite pour les gens n’ayant pas de dépendance physique». Les autres profils risquent un sevrage inconfortable et difficile.
Vous êtes fortement dépendant
Oubliez la bonne volonté. Un «gros fumeur» essayant de se sevrer sans aide, c’est un super héros. S’il réussit, ce ne sera pas sans dégât. Il récoltera prise de poids, troubles de l’humeur ou anxiété…
«Une bonne partie du tabagisme n’est pas seulement psychologique mais aussi physiologique» assure Annie Najnudel.
Un très gros consommateur visera les substituts nicotiniques à «haute» dose, voire un traitement médicamenteux, à condition qu’il soit bien adapté.
Des médicaments dangereux en cas d’antécédents psychiatriques
Prescrits sur ordonnance, le Zyban® et le Champix® sont plutôt réservés aux fumeurs très dépendants, ceux dont les patchs quotidiens atteignent 21mg. Ils agissent directement sur le cerveau et ne délivrent pas de nicotine.
Le Zyban (bupropion) agit sur les zones du cerveau liées à la dopamine, autrement dit, sur les circuits activés auparavant par les bouffées de cigarette. Il est toutefois associé à d’importants troubles paniques.
Le Champix® (varénicline) bloque les récepteurs de la nicotine dans le cerveau. Il a été déremboursé l’année dernière après la découverte d’effets indésirables parfois graves tels que des cas de troubles de l’humeur ou des pensées suicidaires.
Pour Annie Najnudel, les risques existent surtout en cas d’antécédents psychiatriques. «Certaines personnes ont le sentiment que ces médicaments les rendent dépressifs parce qu’ils sont insuffisants. Ces patients sont simplement en manque de nicotine» nuance-t-elle. Le Champix a été évalué pour des patients consommant un paquet de cigarettes par jour.
Une part psychologique à prendre en compte
Il faut savoir que certains tolèrent mal ces médicaments. Ils fonctionnent bien pour d’autres, à condition que la posologie soit respectée et que le patient n’ait pas de terrain dépressif.
En dépit de ces solutions, le gros du travail restera à faire, si l’on en croit Annie Najnudel, pour qui la partie «psychologique» de l’addiction est importante: «Les substituts font passer le ‘gros’ fumeur à un niveau de dépendance moindre.»
Il convient d’analyser les raisons profondes qui vous poussent à fumer, en cherchant d’autres moments de plaisir (famille, amis…) et en gérant le stress grâce à des activités sportives ou artistiques.