J'ai testé le dépistage du cancer de la peau
SANTÉ•l est conseillé de se faire examiner par un dermatologue tous les ans. En cette journée de dépistage gratuit du cancer de la peau, 300 centres sont ouverts en France. Je n'avais que l'embarras du choix...Claire Béziau
Une peau laiteuse à la Marie-Antoinette, une forte densité de grains de beauté au centimètre carré, j’aurais certainement fait fureur au XVIIIe siècle.
Mais on est le 24 mai 2012, date de la 14e journée de dépistage du cancer de la peau. Au XXIe siècle, c’est l’épiderme tanné façon merguez qui est à la mode, même si cela ne fait pas l’unanimité chez les médecins.
Ce jeudi, près de 300 centres organisent le dépistage, avec la participation de plus d’un millier de dermatologues bénévoles.
Interrogatoire musclé
En 2011, 13.848 personnes sont venues se faire examiner lors de cette journée. Pour éviter de faire la queue, je rejoins le Dr Claire Geoffray, membre du Syndicat national des dermatologues, à 8h45. L’heure d’ouverture du centre médico-social Boursault, dans le 17e arrondissement de Paris, est fixée à 9 heures.
Le couloir est encore désert, je ne me ferai pas huer en passant devant tout le monde.
Une fois dans le cabinet, je suis sommée de donner ma déposition. «Age», «Profession» (en extérieur ou pas?), «Fréquentez-vous des centres de bronzage U.V.?», «Antécédents de mélanome?». Le mélanome malin, responsable de 1.620 décès en 2011, est traqué en priorité par les dermatologues.
Le Dr Geoffray porte les réponses de mon interrogatoire sur une petite fiche, dont je remplis un second exemplaire.
Corps passé au crible façon scène de crime
On passe à l’examen clinique. Le médecin sort son arme fatale, le dermatoscope: une espèce de maillet qui fait aussi lampe et loupe grossissant dix fois. Lorsqu’on regarde à travers, c’est le voyage dans la Lune. Les pores de la peau se changent en cratères, les grains de beauté en dômes crénelés.
Je suis autorisée à garder mes sous-vêtements, ce qui n’empêche pas le Dr Geoffray de vérifier ma poitrine et mon postérieur. Les lésions peuvent se loger n’importe où, jusque sur le cuir chevelu. Aucun brushing ne résisterait à cet examen consciencieux.
Mon corps est passé au crible façon scène de crime. Méthodiquement, la spécialiste effleure mes bras et mes jambes à la recherche de reliefs suspects. Au moindre doute, elle dégaine son dermatoscope pour un examen plus poussé.
J’ai déjà un «casier» dermatologique à charge: antécédent familial («arrestation» d’un mélanome juste à temps), et trois exérèses de grains de beauté suspects sur… une centaine répartis sur ma peau. Cela fait d’elle une coupable idéale.
En cas de lésion suspecte…
Les grains de beauté en relief ne sont pas un danger, tant qu’ils restent symétriques ou n’évoluent pas (bords, taille ou couleur). Les miens sont réguliers et raccords avec ma peau, c’est-à-dire clairs. Plutôt une bonne chose, étant donné mon phototype identifié comme étant de «type 2», soit à peine moins diaphane que le teint des sœurs Lisbon dans Virgin Suicides de Sofia Coppola. Les phototypes sont classés de 1 à 6, le sixième correspondant aux peaux noires.
Si un ou plusieurs indices (lésion suspecte, tache, croûte…) font naître des soupçons, on repart avec notre questionnaire type et une «carte T» vierge, que l’on remettra à notre dermatologue habituel. Il devra confirmer ou infirmer le diagnostic, remplir la carte T et la renvoyer au Syndicat national des dermatologues. Ce dernier pourra ainsi établir ou non une corrélation avec son propre exemplaire du questionnaire type.
S’il n’y a rien à déclarer, le patient peut repartir l’esprit tranquille. Son questionnaire type enrichira les statistiques. En 2011, grâce à cette Journée, 33 mélanomes ont pu être décelés, et près de 500 cas de carcinomes (qui métastasent plus rarement).
Il est 9h05, la consultation a duré dix minutes. Dans le couloir, 19 personnes attendent leur tour. Ça ne devrait pas désemplir de la journée.
Je repars sans carte T, ma peau étant déclarée innocente... Jusqu’à l’année prochaine.