La police et la gendarmerie bénéficient désormais d'un fichier commun
LOPPSI 2•Avant la défaite de Nicolas Sarkozy à l'élection présidentielle dimanche soir, son ministre de l'Intérieur Claude Guéant a fait publier un décret au «Journal officiel» pour doter la police et la gendarmerie d'un fichier commun recensant les antécédents judiciaires des Français...A.G.
Alors que son quinquennat touche à sa fin, Nicolas Sarkozy a créé un nouveau fichier in extremis. Selon un décret publié dimanche 6 mai au Journal officiel, les fichiers d’antécédents judiciaires de la police et de la gendarmerie sont désormais rassemblés en un seul. Ainsi, le système de traitement des infractions constatées (Stic) de la police et le système de documentation et d’exploitation de la gendarmerie nationale (Judex) deviennent le Traitement d’antécédents judiciaires (Taj).
L’objectif est de «fournir aux enquêteurs de la police et de la gendarmerie ainsi que de la douane judiciaire une aide à l'enquête, afin de faciliter la constatation des infractions, le rassemblement des preuves et la recherche de leur auteur», indique le décret, prévu dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2).
Les victimes également fichées
Le décret précise que ce nouveau fichier stockera les informations relatives aux personnes soupçonnées de crimes et de délits, mais aussi celles qui concernent leurs victimes (identité, date et lieu de naissance, nationalité, adresses, profession…). Selon certaines infractions, s’y retrouveront également des éléments concernant les «origines raciales ou ethniques», les «opinions politiques, philosophies ou religieuses ou l’appartenance syndicale des personnes, ou [les données] qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci», selon le site spécialisé PC Inpact, qui parle de «fichier monstre». Les données à caractère personnel du «traitement d’antécédents judiciaires» sont conservées pour des périodes allant de cinq ans pour les contraventions à quarante ans et contrairement au casier judiciaire, ce fichier doit aussi recenser les infractions constatées qui n’ont pas été l’objet de sanctions.
Pour la première fois, la biométrie faciale sera utilisée. Les photographies des personnes fichées apparaîtront dans le dossier. Chose que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) dénonce: «La commission considère que cette fonctionnalité d'identification, voire de localisation, des personnes à partir de l'analyse biométrique de la morphologie de leur visage, présente des risques importants pour les libertés individuelles, notamment dans le contexte actuel de multiplication du nombre des systèmes de vidéoprotection.»
La Cnil avait constaté 83% d’erreurs dans le fichier Stic en 2009
Par ailleurs, la Cnil rappelle que «des contrôles réalisés en 2007 et 2008 [sur le fichier Stic] avaient démontré l'existence de graves dysfonctionnements dans la mise en œuvre de ce traitement, tout particulièrement quant à la mise à jour des données.» En 2008, la Cnil avait constaté 83% d’erreurs dans les fichiers policiers. Des erreurs qui ont pu conduire à des licenciements parce que des personnes étaient répertoriées comme suspectes alors qu’elles étaient les victimes, ou encore parce qu’une décision de relaxe ou de non-lieu n’avait jamais été inscrite dans leur fichier. Cette année-là, la Cnil a déploré une série de négligences, parmi lesquelles: des erreurs de saisie faisant passer la durée de conservation du fichier de 5 à 20 voire 40 ans, ou faisant d’une victime un suspect ; l’absence de traçabilité des consultations du fichier ou encore le fait que des mentions douteuses comme «travesti» ou «homosexuel» s’y trouvaient. Des erreurs qui pourraient ainsi se retrouver dans le nouveau fichier commun à la police et la gendarmerie et pourraient entrer des dérives.