Affaire Bettencourt: Patrice de Maistre maintenu en détention
JUSTICE•«Je n'ai rien fait de ce qui m'est reproché, j'ai seulement travaillé», a déclaré l'ex-gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt jeudi...Avec agences
La cour d'appel de Bordeaux (Gironde) a ordonné ce vendredi le maintien en détention de Patrice de Maistre dans le cadre de l'affaire Bettencourt. Rejetant sa demande de libération, la chambre de l'instruction a cependant ordonné un examen médical du suspect par un cardiologue afin de vérifier la «compatibilité de son état de santé avec la détention».
Abus de faiblesse et abus de biens sociaux
Patrice de Maistre a été placé en détention il y a une semaine. L'ex-gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, qui a comparu jeudi devant la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Bordeaux pour demander sa remise en liberté, a été déjà mis en examen le 15 décembre 2011 pour complicité d'abus de confiance et escroquerie aggravées au préjudice de Liliane Bettencourt, et pour blanchiment.
Il a en outre été mis en examen le 22 mars pour abus de faiblesse et abus de biens sociaux sur l'héritière de l'Oréal et écroué le lendemain à la maison d'arrêt de Gradignan, près de Bordeaux. On lui reproche d'avoir indûment perçu des sommes de Lilian Bettencourt ou de la société chargée de gérer les dividendes de celle-ci dans l'Oréal, Clymène.
«Un système qui existe depuis 40 ans»
Les juges ont découvert aussi «des charges nouvelles», tout un système de rapatriement de fonds de Liliane Bettencourt depuis la Suisse, à hauteur de quatre millions d'euros de 2007 à 2009. Patrice de Maistre, qui s'exprimait pour la première fois publiquement à l'occasion de cette audience, a sangloté, disant qu'il était «sous le choc» après son incarcération. «Je n'ai rien fait de ce qui m'est reproché, j'ai seulement travaillé. Ce que je n'ai pas fait, c'est arrêter un système qui existait depuis 40 ans», a-t-il assuré, visant apparemment la manière dont circulait l'argent chez les Bettencourt. «C'aurait été plus facile pour moi de dénoncer» ce système, a-t-il dit.
Lors de cette audience publique bien qu'il ait demandé le huis clos, l'avocat général Pierre Nalbert a soutenu le raisonnement des juges pour réclamer le maintien en détention. Il a assuré que le parquet (hiérarchiquement dépendant du ministre de la Justice, ndlr) «ne veut qu'une chose, que la vérité soit faite dans une affaire au préjudice considérable», 18 millions d'euros selon la partie civile. Les avocats de Patrice de Maistre ont plaidé l'absence de faits réellement nouveaux, de nature à justifier cette mise en détention soudaine et tardive.
Fillon «s'étonne» puis «retire sa phrase»
Surtout, Me Pierre Haïk a jeté un fort soupçon politique sur le calendrier des juges. «Personne ici ne peut douter de la concomitance entre cette convocation (de la semaine dernière, ndlr) et la période électorale». Il a estimé aussi que l'incarcération était liée «pour l'essentiel» à «des concomitances entre (des) sommes (revenues de Suisse) et ces soi-disant rendez-vous avec M. (Eric) Woerth», l'ancien trésorier de l'UMP qui selon des témoins aurait réclamé voire obtenu de l'argent de Patrice de Maistre pour la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007.
La polémique politique a enflé jeudi quand le Premier ministre François Fillon s'est «étonné» de l'incarcération de Patrice de Maistre sur France Inter, au moment même où le candidat socialiste François Hollande faiblit un peu dans les sondages avant finalement de faire machine arrière et de «retirer sa phrase». François Hollande, l'a du coup invité à «maîtriser son langage».
Le conseiller justice de Marine Le Pen, Wallerand de Saint Just, a pour sa part qualifié de «scandaleuse», l'attitude de François Fillon, qui «en dit long» selon lui sur l'opinion de ce dernier «sur le fonctionnement de la justice» et «sur les inquiétudes du pouvoir».
Jeudi aussi, les juges en charge de l'affaire ont mis en examen le directeur et le rédacteur en chef du Point pour atteinte à l'intimité de la vie privée, après la publication en 2010 de passages des écoutes réalisées pendant un an au domicile de Liliane Bettencourt par son ex-majordome. Trois autres journalistes devraient subir le même sort le 5 avril, au nom du site Mediapart.