Affaire du Carlton de Lille: Après la mise en examen de DSK, où en est le dossier?
DÉCRYPTAGE•ominique Strauss-Kahn a été auditionné lundi au Palais de justice de Lille par les trois juges chargés du dossier du Carlton de Lille, l'enquête sur le réseau de proxénétisme portant le nom de l'hôtel où opéraient des prostituées. A l'issue de cette audition, DSK a été mis en examen mais a été laissé libre. «20 Minutes» fait le point sur les avancées du dossier...Bérénice Dubuc
Qu’est-il reproché à Dominique Strauss-Kahn?
Les enquêteurs s'intéressent à l’ancien directeur du FMI à cause de ses rencontres, en 2010 et 2011 à Paris, Washington et Lille, avec des prostituées. Ces rencontres ont été organisées par deux amis entrepreneurs -Fabrice Paszkowski et David Roquet-et un policier -le commissaire divisionnaire Jean-Christophe Lagarde.
DSK avait été placé en garde à vue pendant un jour et demi les 21 et 22 février dernier, dont il était ressorti libre. Il avait alors assuré qu’il «ne pouvait savoir qu’il s’agissait de prostituées car ses partenaires lui étaient présentées par le commissaire divisionnaire Jean-Christophe Lagarde».
Cependant, certaines call-girls ont soutenu qu'il ne pouvait l'ignorer ou qu'il le savait. Selon Le Parisien, une call-girl belge habituée des rencontres avec DSK a ainsi assuré aux enquêteurs que l’ancien ministre des Finances savait qu’elle était payée par des tiers, qu’il voulait s’affranchir des «intermédiaires», et qu’il aurait également demandé à une autre call-girl «ses tarifs» pour des rencontres plus intimes. Cette autre call-girl a démenti cette information, peut-être à la suite d’une subornation de témoin, selon les enquêteurs.
Pour quels faits est-il mis en examen?
Dominique Strauss-Kahn a été mis en examen lundi soir, à l’issue de son audition au Palais de justice de Lille, pour «proxénétisme aggravé en bande organisée», et non «complicité», le délit visé dans la convocation. La qualification de «recel d'abus de biens sociaux» était également envisagée, mais elle supposait d'avoir des éléments susceptibles de prouver que l'ancien patron du FMI savait que les jeunes femmes rencontrées étaient payées par ses amis avec les fonds de leurs sociétés.
Ces faits sont passibles de vingt ans de réclusion criminelle et trois millions d'euros d'amende, après un éventuel procès en cour d'assises. Il a été laissé en liberté sous contrôle judiciaire.
Quelles sont les conditions de cette remise en liberté?
Les juges d'instruction ont demandé à DSK de verser «une caution de 100.000 euros», a indiqué le procureur. Dans le cadre du contrôle judiciaire, l’ancien patron du FMI a «interdiction d'entrer en contact avec les mis en examen, les parties civiles, les témoins et tout organe de presse à propos des faits objets de la procédure», a indiqué le procureur.
Comment a-t-il réagi?
Dominique Strauss-Kahn a quitté le palais de justice de Lille après son audition, et son avocat a aussitôt contesté sa mise en examen: «Il déclare avec la plus grande fermeté n'être coupable d'aucun de ces faits et en particulier n'avoir jamais eu la moindre conscience que certaines femmes rencontrées pouvaient être des prostituées», a dit Me Richard Malka à la presse.
«À supposer même qu'il aurait connu le statut des femmes dont il est question, il faut rappeler que le fait d'avoir une relation avec une “escort“ ne constituerait pas une infraction au regard de la loi française et relèverait d'un comportement privé, parfaitement licite entre adultes», a-t-il ajouté, précisant que son client affirme ne jamais s'être rendu à l'hôtel Carlton de Lille. Un autre avocat de DSK, Me Henri Leclerc, a annoncé lundi soir qu’ils demanderont «l'annulation de cette décision» de mise en examen.
Cette mise en examen peut-elle influencer l’audience américaine qui a lieu mercredi?
La première audience dans la procédure civile intentée contre Dominique Strauss-Kahn par Nafissatou Diallo, la femme de chambre qui l'accuse d'agression sexuelle au Sofitel de New York, doit avoir lieu mercredi devant la Cour suprême de justice du Bronx. Cependant, la mise en examen de DSK en France n’aura pas d’influence sur cette audience, dans la mesure où il s’agit d’un audience technique: le juge Douglas McKeon va entendre les arguments des avocats américains de DSK et ceux des défenseurs de Nafissatou Diallo, pour décider si le poste de directeur général du FMI que le Français exerçait alors lui vaut ou non une immunité judiciaire.
Le juge a indiqué au JDD qu’il prendrait ensuite «entre deux ou trois semaines pour rendre une décision écrite». Si le juge donne raison à DSK, l'affaire sera close, à moins d'un appel devant la cour suprême de Manhattan. Dans le cas contraire, la procédure se poursuivrait, et la mise en examen de DSK en France pourrait alors avoir une influence. Cependant, la procédure au civil permet à tout moment que les parties s'entendent sur un accord à l'amiable. A défaut d'arrangement, un procès sera organisé dans un délai estimé à deux ans par le juge McKeon.