SÉCURITÉTueries de Toulouse: Comment Mohamed Merah a-t-il pu passer entre les gouttes?

Tueries de Toulouse: Comment Mohamed Merah a-t-il pu passer entre les gouttes?

SÉCURITÉdélinquant multirécidiviste était connu depuis des mois par la DCRI...
Corentin Chauvel avec Reuters

Corentin Chauvel avec Reuters

Connu et fiché pour ses penchants radicaux et ses récents voyages au Pakistan et en Afghanistan, Mohamed Merah aurait-il pu être appréhendé avant ses forfaits? C’est la question posée par de nombreux responsables politiques au lendemain de la mort du djihadiste de 23 ans, pointant du doigt l’inefficacité des services de renseignement français.

Délinquant multirécidiviste pendant sa minorité et ancien détenu, Mohamed Merah était connu depuis des mois de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), un service créé en 2008 à l'initiative de Nicolas Sarkozy en fusionnant DST et Renseignements généraux, dans le but justement de mieux lutter notamment contre l'islamisme radical.

Des parcours inhabituels au Proche-Orient

La DCRI savait qu'il s'était déjà rendu une première fois en novembre 2010 en Afghanistan, avant d'être renvoyé vers la France après un contrôle routier. Lors de ce voyage au Proche-orient, Mohamed Merah «prend des parcours qui sont inhabituels et n'apparaît pas sur nos radars, ni sur ceux des services extérieurs français, américains et locaux», a expliqué Bernard Squarcini, le directeur central du renseignement intérieur, interrogé par Le Monde ce vendredi.

La zone pakistano-afghane est le fief des groupes islamistes armés, qui y possèdent des camps d'entraînement. Le renseignement français est au fait de cette réalité depuis plus de vingt ans, de nombreux cas de jeunes Français acheminés sur place par des filières organisées depuis les années 1990 ayant été rencontrés.

Aucune raison d’aller plus loin

Claude Guéant nie cependant toute erreur de la DCRI. «Nous faisons une enquête pour voir ce qu'il (Mohamed Merah) vaut. Mais il n'y a rien. Pas d'activisme idéologique, pas de fréquentation de la mosquée», précise Bernard Squarcini. Il est pourtant convoqué par les renseignements un an plus tard, en novembre 2011, «pour recueillir des explications sur son voyage en Afghanistan». Mohamed Merah est justement de retour d’un second séjour «touristique» au Proche-Orient.

Le ministre de l’Intérieur a déclaré jeudi que la DCRI n'avait pas de raison d'aller plus loin après cet interrogatoire, dans la mesure où il n'avait commis aucune infraction et qu'il n'existait aucun indice concret le rattachant à un projet ou un groupe terroriste. «C'est un entretien administratif sans contrainte, puisque nous n'étions pas dans un cadre judiciaire», justifie Bernard Squarcini.

«Il n'a pas les attributs extérieurs du fondamentaliste»

«La DCRI suit beaucoup de personnes qui sont engagées dans le radicalisme islamiste. Exprimer des idées, manifester des opinions salafistes ne suffit pas à déférer à la justice», a renchéri Claude Guéant. Mohamed Merah «s'est autoradicalisé en prison, tout seul, en lisant le Coran. C'est un acte volontaire, spontané, isolé. Et il dit que de toute façon, dans le Coran, il y a tout. Donc, il n'y a aucune appartenance à un réseau», insiste Bernard Squarcini. «Il n'a pas les attributs extérieurs du fondamentaliste», ajoute-t-il.

Mohamed Merah a confié aux policiers, durant le siège de son domicile, qu’il avait suivi un entraînement au Pakistan lors de ce second voyage. Mais comme ce n’était pas dans un centre de formation habituel, «ni les services pakistanais, ni les Américains, ni la DGSE ne nous ont alertés», indique Bernard Squarcini.

«Nous ne pouvions pas aller plus vite»

Si la DCRI l'avait tout de même inscrit au fichier des personnes recherchées pour être informée en cas de contrôles et de déplacements, elle aurait pu le placer sur écoute téléphonique dite «administrative». Distinctes de celles ordonnées par des magistrats dans le cadre de procédures judiciaires, ces écoutes peuvent être menées par le renseignement après approbation d'une commission spécialisée et du Premier ministre. Cette procédure est très courante en matière de fondamentalisme musulman.

Placé en garde à vue mercredi, le frère de Mohamed Merah, Abdelkader, était aussi fiché par la DCRI. Il avait été inquiété sans être mis en examen dans une enquête judiciaire visant le recrutement de combattants pour l'Irak, a indiqué mercredi le procureur de Paris, François Molins. C’est finalement l'adresse IP de l’ordinateur de la mère des frères Merah qui a mis la police sur leur piste. «Nous ne pouvions pas aller plus vite» et le cas Mohamed Merah «ne change pas fondamentalement notre grille de lecture du phénomène terroriste», conclut Bernard Squarcini.


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