Espionnage des journalistes: La mise en examen de Philippe Courroye devant la justice
JUSTICE•Le procureur espère obtenir l'annulation de sa mise en examen dans l'affaire des «fadettes»...20 Minutes avec AFP
La cour d'appel de Paris examine, ce mercredi, la demande du procureur de Nanterre, Philippe Courroye, et de son adjointe d'annuler leur mise en examen dans l'affaire dite des «fadettes» d'espionnage de journalistes du Monde qui travaillaient sur le dossier Bettencourt en 2010.
Immédiatement après sa mise en examen, le 17 janvier, Philippe Courroye avait déposé une requête en nullité auprès de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, contestant cette décision tant sur la forme que le fond. Le parquet général de Paris soutient cette demande d'annulation. Le procureur et son adjointe Marie-Christine Daubigney sont soupçonnés d'avoir tenté de découvrir illégalement en 2010 les sources des journalistes du quotidien travaillant sur l'affaire Bettencourt, notamment en réquisitionnant leurs factures téléphoniques détaillées fadettes.
Liberté de la presse
Le procureur Philippe Courroye estime que les juges d'instruction chargés de l'enquête sur ces fadettes ont mené leurs investigations «en méconnaissance de l'article 6-1» du code de procédure pénale. Cet article prévoit que les magistrats ne peuvent être poursuivis qu'une fois que «le caractère illégal de la poursuite (..) a été constaté par une décision devenue définitive». Or la Cour de cassation a annulé l'enquête du procureur Philippe Courroye le 6 décembre 2011, soit bien après le début des investigations des juges parisiens Sylvia Zimmermann et Alain Nguyen The.
Pour l'avocat du Monde, Me François Saint-Pierre, «l'article 6-1 ne s'applique pas en l'espèce» car il n'est pas reproché au procureur la violation d'une «disposition de procédure pénale» mais un article de la loi sur la liberté de la presse. Sur ce point, l'avocat annonce avoir également déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), estimant que l'article 6-1 n'est pas conforme à la Constitution.
Violation du secret des correspondances
Parallèlement, le procureur Philippe Courroye juge que les chefs de mise en examen le visant, qui sont «la collecte illicite de données à caractère personnel» et «la violation du secret des correspondances», «ne sont pas constitués». Pour lui, «solliciter les factures détaillées de personnes impliquées dans une procédure pénale ne peut être assimilé à une collecte illicite de données à caractère personnel».
Il estime également que la violation du secret des correspondances «ne peut concerner l'obtention de factures détaillées» de téléphone car ces factures ne concernent pas le contenu des conversations échangées. Par ailleurs, le procureur conteste avoir requis le contenu de SMS échangés par les journalistes Gérard Davet et Jacques Follorou, contrairement à ce qu'affirment des responsables de l'IGS, service qu'il avait chargé de l'enquête.
Problème de qualification pénale
Pour l'avocat du Monde, l'annulation d'une mise en examen ne peut être retenue que lorqu'elle ne repose sur «aucun indice grave et concordant», ce qui selon lui, «n'est pas discuté» dans ce cas. Il estime donc qu'«il n'y a pas lieu à débat» sur l'inadéquation entre les faits reprochés et les chefs de mise en examen retenus.
Soutenant la demande de M. Courroye, le parquet général estime qu'il y a bien un problème de qualification pénale. En d'autres termes, pour le ministère public, les éléments constitutifs des délits reprochés à Philippe Courroye ne sont pas caractérisés. «Le procureur général estime qu'il n'y a pas assez d'éléments sur les faits car il y a divergence entre ce que dit le procureur et les policiers. Mais à ce rythme, aucune mise en examen ne serait plus possible dès lors que les faits seraient contestés», estime Me François Saint-Pierre.