Radiation des chômeurs: Comment Pôle emploi s'y prend actuellement
EMPLOI•La loi stipule que le demandeur d'emploi peut être suspendu pendant deux mois au bout de deux refus d'offres raisonnables d'emploi. Mais la réalité est un peu différente...Enora Ollivier
Soumettre au référendum la question du système d’indemnisation des chômeurs, c’est l’idée qu’a avancée Nicolas Sarkozy dans son interview au Figaro magazine à paraître samedi. Le chef de l’Etat envisage de rendre obligatoire une «formation qualifiante» pour un demandeur d’emploi qui n’a pas trouvé de travail au bout de quelques mois. «A l’issue de cette formation (…) le chômeur sera tenu d’accepter la première offre d’emploi correspondant au métier pour lequel il aura été nouvellement formé», explique-t-il.
L’idée, à peine voilée, est de mettre fin à ce que le chef de l'Etat qualifie d’«assistanat» des chômeurs dans Le Figaro Magazine -le «cancer de la société française», selon l’expression employée en mai 2011 par Laurent Wauquiez.
Offre raisonnable d’emploi
En réalité, les demandeurs d’emploi sont déjà soumis, sur le plan légal, à un régime strict. Ainsi, la loi du 1er août 2008 relative aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi stipule qu’en s’inscrivant à Pôle emploi, un chômeur s’engage entre autres à rechercher «activement» un travail, à répondre aux convocations, mais aussi à «accepter les offres raisonnables d’emploi» (ORE). =
Une ORE est établie à partir du «projet personnalisé d’accès à l’emploi» (PPAE), élaboré lors de l’inscription de la personne à Pôle emploi et actualisé au moins tous les trois mois. Elle est définie à partir de différents critères: formation, qualifications, expériences professionnelles, situation familiale, zone de recherche, salaire souhaité…
L’acceptabilité de l’offre varie ensuite selon le temps de recherche. Au bout de trois mois, une offre est considérée comme raisonnable si elle est compatible avec les qualifications et les compétences professionnelles du demandeur, et si la rémunération du travail proposé correspond au moins à 95% du salaire antérieur. Au bout de six mois, le demandeur d’emploi est tenu d'accepter une offre d'emploi dont le salaire atteint 85% de la rémunération précédente. Il doit aussi accepter d'aller travailler plus loin (60km aller-retour ou deux heures de transports en commun). Au bout d’un an, on demande au chômeur de consentir à une offre rémunérée au moins à hauteur du «revenu de remplacement» (chômage, allocation de solidarité ou RSA).
Une règle «pas vraiment appliquée»
La personne qui a refusé deux de ces offres est, selon la loi, radiée pendant deux mois de Pôle emploi, et perd ainsi ses allocations durant cette période. Mais dans la réalité, cette règle «n’a pas été vraiment appliquée», affirme Anny Barreau, du bureau national du SNU-FSU, syndicat majoritaire à Pôle emploi.
Et de pointer l’incohérence entre les ORE et les compétences des demandeurs d’emploi. «La plupart du temps, les annonces sont choisies par des agents en CDD, qui sont eux-mêmes dans des conditions précaires, qu’on met devant un ordinateur et à qui on demande d’envoyer des offres», explique-t-elle, soulignant qu’«ils ne peuvent pas regarder tous les critères». Mais si la loi concernant la radiation des demandeurs n’est pas mise en pratique actuellement, ce n’est «certainement pas par indulgence» et à cause de l’irrationalité des offres, note Anny Barreau, mais parce que «Pôle emploi n’a pas les moyens de le faire».
«On agite le vieux fantasme du demandeur d’emploi»
Cela ne veut pas pour autant dire que le projet du chef de l’Etat ne sera pas applicable, estime la responsable syndicale. Selon elle, les 1.000 agents en CDD à Pôle emploi annoncés par Nicolas Sarkozy lors du sommet sur la crise de janvier dernier pourraient précisément être chargés de faire de la «gestion de liste» -en d’autres mots de la radiation.
Anny Barreau s’insurge par ailleurs contre l’essence même du projet de Nicolas Sarkozy. «On agite le vieux fantasme du demandeur d’emploi qui ne fait rien», tempête-t-elle, dénonçant une proposition «populiste», qui ne fait que «cliver les gens». «S’il y avait des offres d’emploi pour tout le monde, ça se saurait», pointe la responsable syndicale. Et pourtant, «tout d’un coup, Nicolas Sarkozy sort une solution miracle».