L'ouverture d'une ligne Toulon-Corse, nouveau sujet de discorde à la SNCM
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Le premier bateau de la SNCM à relier Toulon à la Corse depuis 2001 devait partir le 27 janvier dernier. Dix jours plus tard, il est toujours bloqué à quai à Marseille par les marins CGT, un nouveau conflit qui plonge un peu plus l'ancienne compagnie publique dans l'incertitude. Il y a un an, c'est la diminution du nombre de liaisons entre Nice et l'île de Beauté, avec la suppression d'un navire, qui avait mis le feu aux poudres. La grève avait duré 47 jours.
Cette fois-ci, la discorde est née de l'annonce de la réouverture d'une ligne au départ de Toulon, que la Société nationale Corse Méditerranée (SNCM) avait quitté en 2001 après 25 ans de présence. La délégation de service public (DSP) ne concernant plus que Marseille, la SNCM avait repositionné sa flotte sur la cité phocéenne et en partie sur Nice, laissant le champ libre à Corsica Ferries, compagnie française battant pavillon italien.
Un retour à Toulon «prématuré»
"Il faut anticiper les évolutions de la DSP" après l'annulation début novembre par la justice de la convention en cours, souligne le président du directoire de la SNCM, Marc Dufour, qui s'attend à un périmètre réduit sur Marseille - la cour administrative d'appel ayant jugé "non justifié" le "service complémentaire" imposé en période estivale.
Le dirigeant, espérant une extension de la délégation au port varois, entend dès à présent "se positionner face à la concurrence et regagner des parts de marché". "Il ne s'agit pas de vider Marseille au profit de Toulon", insiste-t-il, évoquant une "vraie demande au niveau de la clientèle, notamment fret". Pour la CGT, ce retour à Toulon est "prématuré", la ligne s'annonçant comme "déficitaire" sans les subventions associées à la DSP. Preuve en est, selon le syndicat, l'abandon début 2011 par la compagnie italienne Moby Lines de sa liaison Toulon-Bastia après seulement dix mois d'exploitation.
Face à cette situation de blocage, l'avenir de la SNCM est plus que jamais en question. Le groupe, qui emploie 2.000 salariés permanents et 800 saisonniers, a de nouveau accusé en 2011 une perte d'exploitation de 12 millions d'euros (contre 15 millions en 2010) pour un chiffre d'affaires stable, à 285 millions.
Le redressement amorcé ruiné par le mouvement de grève?
Et Marc Dufour craint que le redressement amorcé ne soit ruiné par le mouvement de grève. La SNCM a en effet réussi à regagner des parts de marché pour dépasser les 31% l'an dernier (26,8% en 2010), avec un trafic vers la Corse en progression de plus de 10% (922.349 passagers), contre 1,915 million pour le numéro un du secteur, la Corsica Ferries, en repli de 4%.
Dans ce contexte, l'attribution de la nouvelle DSP va se révéler cruciale. Corsica Ferries, qui avait dénoncé dès 2006 le contrat attribué à la SNCM et à la Méridionale, a une carte à jouer dans la conquête de ce marché, assorti d'une subvention d'une centaine de millions d'euros. D'autant que l'Office des transports de Corse (OTC) compte durcir le cahier des charges pour, dit-il, ne plus être "pris en otage" par les grévistes.
Régulièrement accusée par les marins CGT de la SNCM de pratiquer un "dumping social et fiscal" grâce à un pavillon italien "40% moins cher", Corsica Ferries appelle à "vite organiser l'appel d'offres" pour lui laisser le temps, le cas échéant, de mettre sur pied une flotte au départ de Marseille. Dernière incertitude : le retrait attendu de Veolia Environnement de la filiale formée avec Transdev (Caisse des dépôts), qui détient 66% de la SNCM. Inquiets par tous ces bouleversements, les grévistes redoutent "le lancement d'un plan social sans précédent du type SeaFrance". "On veut garder nos emplois et on veut les mêmes règles pour tous", martèle le délégué CGT Frédéric Alpozzo.