Copropriétés dégradées: quand le mythe du "tous propriétaires" s'effondre
•Des charges exorbitantes mal anticipées, des impayés qui s'accumulent: des centaines de milliers de copropriétaires se retrouvent dans l'incapacité de gérer leur patrimoine, qui se dégrade rapidement, victimes du mythe du "tous propriétaires".© 2012 AFP
Des charges exorbitantes mal anticipées, des impayés qui s'accumulent: des centaines de milliers de copropriétaires se retrouvent dans l'incapacité de gérer leur patrimoine, qui se dégrade rapidement, victimes du mythe du "tous propriétaires".
Des tours immenses s'élevant vers le ciel, à quelques pas de la gare Transilien d'Argenteuil, dans un quartier pourvu d'équipements publics: les copropriétés du Val d'Argent, construites dans les années 1960 et 1970, ciblaient une population en quête de logements bon marché.
"C'était des appartements modernes, spacieux", qui ont séduit une "population qui ne parvenait pas à accéder au logement social", décrit la première adjointe au maire d'Argenteuil chargée de l'urbanisme, Chantal Colin.
Problème: "les gens n'ont vu que le prix d'achat, sans comptabiliser les charges". Chauffage, ascenseur, propreté... Face au coût de l'entretien et parfois à la "gestion indélicate des syndics", certains copropriétaires ont baissé les bras, cessé de payer, et les immeubles se sont vite dégradés.
"Il y a des gens qui n'auraient jamais dû devenir propriétaires, qui n'avaient pas conscience de leurs devoirs", tranche Dominique Braye président de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) qui doit remettre jeudi au secrétaire d'Etat au Logement, Benoist Apparu les conclusions d'un rapport.
Un diagnostic réalisé en 2008 a révélé que sur les 32 copropriétés du quartier du Val d'Argent, "certaines étaient en extrême difficulté". Une dizaine bénéficie aujourd'hui d'opérations programmées d'amélioration de l'habitat (Opah) ou de plans de sauvegarde (PLS).
Un cas qui se reproduit un peu partout en France. "Il y a entre 800.000 et 1.000.000 de logements dans des copropriétés fragiles et en difficultés", selon Benoist Apparu.
A Sevran, "environ 3.000 logements sont touchés: ça va nécessiter un effort financier que (les copropriétaires) ne peuvent pas payer", s'alarme Bernard Portal, adjoint au maire de cette commune de Seine-Saint-Denis chargé de l'habitat.
La résidence Marguerite accuse "286.000 euros de charges impayées", précise André Dan, copropriétaire et membre du conseil syndical. "On a de gros soucis, il faut payer chacun 1.600 euros par trimestre et nous ne sommes que 35 à payer, alors qu'il y a 70 copropriétaires", s'insurge-t-il.
Par manque d'entretien, les façades de cette résidence construite dans les années 1980 sont fissurées, laissant apparaître du fer à béton. Murs gris et décrépits, balcons encombrés d'antennes paraboliques ou de vélos: dans la commune voisine de Clichy-sous-Bois, d'immenses barres font triste mine. La résidence Stamu II "la plus dégradée" a ainsi été placée en PLS.
Boucher les vide-ordures, remettre aux normes les ascenseurs, sécuriser les lieux, les opérations menées en partenariat avec l'Etat et l'Anah ont amélioré le bâti et tenté de rappeler les propriétaires à leurs obligations.
Toutefois, pour Sylvaine Le Garrec, sociologue et urbaniste, spécialiste de la question, "avant les travaux, la priorité c'est de redresser les finances de la copropriété".
"Assainir la gestion", "développer les mesures de prévention" et "associer les copropriétaires à l'intervention publique": tels sont, à ses yeux les "priorités" pour éviter que l'engrenage ne recommence.
Confrontés à une impasse, certains copropriétaires pensent à vendre leur bien pour s'installer ailleurs, mais dans la plupart des cas celui-ci a perdu de sa valeur. "Mon appart je l'ai acheté 150.000 euros, si je le vends aujourd'hui, même avec un rabais, impossible d'avoir 60.000 euros", déplore Kheira Couvreur, copropriétaire de Sevran.