Sécurité routière: Plus de radars, mais pas beaucoup moins de morts
TRANSPORT•La mortalité a à peine baissé en 2011 sur les routes, alors que le nombre de radars n'a jamais été aussi élevé...Nicolas Bégasse
Le bilan de la sécurité routière pour l’année 2011 révélé jeudi matin par Claude Guéant n’est pas négatif, une baisse du nombre de morts sur la route de 0.55% par rapport à 2010 ayant été constatée. Mais ce bilan n’est pas bon pour autant: l’année d’avant, le nombre de décès dus à l’insécurité routière avait chuté de 6,6%. En comparant cette stagnation du nombre des morts à l’augmentation, poursuivie en 2011, du nombre de radars, une question peut se poser: les radars servent-ils plus à rapporter de l’argent qu’à faire baisser le nombre de morts?
Au total, 480 nouveaux appareils ont été installés sur les routes de France l’an dernier, soit une augmentation de 30% du parc de radars. Cette hausse du nombre de détecteurs de vitesse a été continue depuis 2003, année où le premier d’entre eux a été inauguré par Nicolas Sarkozy. Les recettes qu’ils rapportent à l’Etat aussi: 630 millions d’euros ont atterri dans les caisses de l’Etat en 2011 grâce aux radars, en augmentation de 8% depuis 2010, et de presque 500% depuis 2004.
Manque d’initiative?
Mais si la hausse du nombre de radars a fait bondir les recettes (qui sont réinvesties dans les infrastructures routières), elle n’a pas suffi, en tout cas depuis 2007, à faire baisser drastiquement le nombre de morts sur les routes. En effet, même si leur apparition a été accompagnée de très bons résultats de 2003 à 2006, les bilans de la sécurité routière ont accusé un coup de mou à partir de 2007, alors même que le nombre de radars continuait d’augmenter à coups de centaines de nouveaux appareils installés chaque année. De 2002 à 2006, la mortalité sur les routes a baissé de 39%, quand cette baisse n’a été «que» de 14% de 2007 à 2011.
Cette moindre performance est due aux moins bonnes années que sont 2007 (-1,9% de morts), 2009 (-0,05%) et 2011 (-0.55%). Pour justifier ces chiffres, en 2007 et 2009, plusieurs experts et membres d’associations avaient parlé du manque d’initiatives fortes prises par le gouvernement vis-à-vis de la sécurité routière, celui-ci paraissant pour certains se reposer sur ses lauriers. En 2011, c’est l’assouplissement du permis à points décidé en janvier qui a été mis en cause pour justifier la hausse du nombre de morts constatée sur cinq des six premiers mois. En tout cas, si l’augmentation du nombre de radars sur les routes joue forcément un rôle bénéfique, elle ne semble pas suffire à faire baisser la mortalité.
Les radars ne suffisent pas
Les données de ces 40 dernières années le montrent: depuis 1972, année la plus meurtrière sur les routes avec plus de 18.000 morts, ce sont généralement les grandes initiatives du pouvoir qui ont aidé les chiffres à s’améliorer. Les limitations de vitesse en 1973 et 1974, le port de la ceinture rendu progressivement obligatoire jusqu’en 1990, les lois sur l’alcoolémie au volant: quand on compare le nombre de tués avec les mesures prises chaque année, le lien entre les initiatives du pouvoir et la baisse des décès est évident (comme le montre ce tableau en p.22 du bilan 2010 dressé par l’Observatoire national de la sécurité routière). D’ailleurs, l’excellente année 2003, qui avait vu un véritable effondrement de la mortalité, est à rapprocher de la ferme volonté affichée en juillet 2002 par Jacques Chirac: le Président avait fait de l’insécurité routière un des trois chantiers phares de son quinquennat et avait organisé les premiers Etats généraux de la sécurité routière.
Plusieurs décennies de statistiques et les chiffres de ces dernières années tendent à montrer que l’augmentation du nombre de radars ne suffit pas à assurer de bons résultats en matière de mortalité sur la route. Le gouvernement a dû s’en rendre compte: le ministre de l’Intérieur a rappelé ce jeudi les nombreux projets prévus pour 2012 pour faire baisser le nombre de tués. Un regain de volonté affiché qui lui fait dire que l’objectif de Nicolas Sarkozy de voir ce nombre passer sous les 3.000 en 2012 reste «atteignable». Pour ça, il faudrait que le nombre de tués baisse de 25%. En 2003, cette baisse avait été de 21%: le ministre a peut-être raison d’y croire.