Ecoutes du «Monde»: Philippe Courroye a violé le secret des sources
JUSTICE•La Cour de cassation a statué en ce sens...C.C. avec agences
Philippe Courroye a bien violé la loi sur le secret des sources, a estimé ce mardi la Cour de cassation, qui a confirmé l'annulation de la procédure ouverte par le procureur de Nanterre dans l'affaire Bettencourt afin d'identifier les auteurs de fuites.
«L'atteinte portée au secret des sources des journalistes n'était pas justifiée par l'existence d'un impératif prépondérant d'intérêt public et la mesure n'était pas strictement nécessaire et proportionnée au but légitime poursuivi», a considéré la Cour de cassation, dans un arrêt où elle a rejeté mardi un pourvoi formé par Liliane Bettencourt.
Philippe Courroye, qui voulait notamment savoir qui avait alimenté un article concernant une perquisition ordonnée par la juge Isabelle Prévost-Desprez chez la milliardaire en 2010, avait pris l'initiative de mettre sur écoute des téléphones de journalistes du Monde.
Un dossier de 700 pages
L'inspection générale des services (IGS) a, au fil des mois, constitué un très volumineux dossier à partir des relevés d'appels et de textos des journalistes, obtenus des opérateurs grâce à des réquisitions légales contraignantes, une procédure vue aujourd'hui comme illégale.
Ce mardi, Le Monde affirme ainsi que la police française a constitué un dossier de 700 pages avec les factures détaillées des téléphones de journalistes du quotidien afin d'identifier leurs sources sur l'enquête sur l'héritière de L'Oréal Liliane Bettencourt. Le quotidien, qui a accès en tant que plaignant au dossier de cette enquête où le procureur de Nanterre Philippe Courroye est menacé de mise en examen, publie un récit de cette procédure ayant visé les journalistes Gérard Davet, Jacques Follourou, Raphaëlle Bacqué et Elise Vincent.
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En janvier 2011, les juges bordelais, qui ont repris l'affaire après son dépaysement en Gironde, ont saisi la chambre de l'instruction de Bordeaux sur la régularité des «réquisitions» adressées aux opérateurs téléphoniques pour qu'ils fournissent des factures détaillées. A leurs yeux, ces «réquisitions» étaient en effet contraires à la loi du 4 janvier 2010 qui prévoit qu'«il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi».
La loi de janvier 2010 «a clairement voulu renforcer la protection des sources des journalistes»
Le 5 mai 2011, la cour d'appel de Bordeaux avait jugé que les deux conditions posées par la loi n'étaient pas remplies et a annulé les procès-verbaux qui ont découlé des «réquisitions» de Philippe Courroye. Liliane Bettencourt s'était alors pourvue en cassation. Lors de l'audience du 22 novembre, l'avocat général Yves Charpenel avait rappelé que la loi de janvier 2010 «a clairement voulu renforcer la protection des sources des journalistes».
Les enquêtes, avait-il considéré, doivent «rester subordonnées aux principes supérieurs» du droit. A ce titre, «il est nécessaire que la jurisprudence définisse cet impératif prépondérant d'intérêt général», et ce d'autant que «l'émetteur de la réquisition n'a, lui, nullement cherché» à le faire. Il avait donc conclu au rejet du pourvoi et la Cour l'a entendu.
Le gouvernement se défend de toute illégalité en expliquant qu'il n'avait voulu qu'identifier les fonctionnaires violant leur secret professionnel. Hormis ce dossier visant le procureur Courroye, il y a une autre instruction en cours sur une affaire similaire, où le patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) Bernard Squarcini est mis en examen.