Evaluation des élèves en maternelle: Un outil facultatif et sans fichier, selon le ministère
INTERVIEW•René Macron, chef du bureau des écoles au ministère de l'Education nationale, répond pour 20Minutes aux critiques visant le projet d'évaluer les élèves dès la grande section de maternelle...Propos recueillis par Corentin Chauvel
«Il y a eu une incompréhension». René Macron, chef du bureau des écoles au ministère de l’Education nationale, est formel: le livret d’évaluation des élèves de grande section de maternelle sur lequel travaille son équipe sera facultatif, sans fichage et ne comprendra aucune remontée vers la hiérarchie scolaire. Il s’explique à 20Minutes.
En quoi consiste ce nouvel outil?
Il s’agit d’un outil permettant aux enseignants de repérer les élèves ayant le plus de difficultés sur des critères strictement objectifs et de leur apporter une aide. Nous constatons que 20% des élèves ont des problèmes d’apprentissage de la lecture. Nous savons que parmi eux, certains ont des problèmes liés à des troubles divers (dyslexie, etc..). S’il est impossible de les détecter tôt, on peut assez facilement repérer les élèves qui risquent d’avoir des difficultés pour apprendre à lire et c’est la mission de l’école d’intervenir le plus tôt possible, de faire de la prévention.
Comprenez-vous que le terme d’élèves «à risque» ait pu choquer?
Oui, mais le document qui a été publié mercredi était un document de travail, non abouti et daté du 29 août, soit antérieur aux versions sur lesquelles on travaille actuellement. En outre, il s’agit d’un terme technique, issu d’une terminologie utilisée dans les laboratoires universitaires. Mais il est très clair qu’on n’écrira pas «enfant à risque», c’est évident. On n’a pas encore trouvé le terme, mais si cela peut calmer les ardeurs, cela pourrait être proche de «susceptible de développer».
Que répondez-vous aux accusations de vouloir «ficher» les élèves?
Il n’y a pas de fichage, de fichier, de fiche. Ces informations ne servent qu’aux professeurs et il n’y a aucune remontée vers la hiérarchie. De plus, cet outil n’est pas obligatoire, les enseignants ont le choix de l’utiliser ou non.
Cinq ans, n’est-ce pas trop tôt pour déterminer si un élève aura des difficultés dans le futur?
On ne peut pas complètement répondre aujourd’hui, mais on intervient à cet âge parce que les progrès peuvent être très rapides avec une phonologie adaptée. Est-ce qu’il faut attendre qu’ils soient en échec au CP? Il faut intervenir avant qu’ils aient des échecs en lecture, sinon c’est trop tard. Ce qui serait stigmatisant, c’est d’attendre qu’ils échouent, cela fait partie de la problématique générale de la prévention.
Outre des critères d’apprentissage, le comportement des élèves est évoqué dans l’outil d’évaluation…
Ce ne sont que trois items sur vingt ou trente. Il s’agit de répondre sur l’attention dans l’apprentissage, les relations des élèves avec les autres: est-ce qu’ils jouent ensemble? Est-ce qu’ils font le travail demandé? Est-ce qu’ils sont attentifs? Ce sont des facteurs qui jouent, il vaut mieux les connaître tôt. Mais c’est assez mineur dans le processus et il ne faut pas non plus avoir peur des mots.
Cela n’a donc aucun lien avec les différents débats ayant eu lieu ces dernières années sur la détection des troubles chez les enfants afin de prévenir la délinquance des mineurs?
Non, cela n’a aucun rapport, on en est très loin. Il s’agit bien de repérer des difficultés d’apprentissage de la lecture, sans aucun fichage.
Pourquoi les syndicats d’enseignants, dont certains se sont indignés de cet outil, n’ont-ils pas été consultés?
Ils sont consultés s’il s’impose à tout le monde. Or il s’agit d’un document pédagogique facultatif qui n’a pas de statut nécessitant une consultation préalable, comme les dizaines de documents éducatifs disponibles pour les enseignants sur le site du ministère.
Cela ne risque-t-il pas d’inquiéter les parents de savoir leur enfant si tôt en difficulté?
C’est un problème réel que nous connaissons bien. Mais les dispositifs qu’on propose s’inscrivent dans le cadre de l’aide personnalisée pour laquelle on demande aux parents leur accord. Il faut aussi savoir dire aux parents quand leur enfant présente des difficultés, on ne va pas le leur cacher.