En 10 ans, Sciences Po s'est (un peu) ouvert aux milieux populaires
Les étudiants de la "filière ZEP" de Sciences Po Paris ont une aussi bonne insertion professionnelle que les autres et ce dispositif pionnier a permis en dix ans d'ouvrir (un peu) l'accès de cette grande école aux enfants d'ouvriers et d'employés.© 2011 AFP
Les étudiants de la "filière ZEP" de Sciences Po Paris ont une aussi bonne insertion professionnelle que les autres et ce dispositif pionnier a permis en dix ans d'ouvrir (un peu) l'accès de cette grande école aux enfants d'ouvriers et d'employés.
"Ce sont des Sciences Po comme les autres", a résumé mardi le chercheur Vincent Tiberj, en commentant lors d'une conférence de presse une enquête réalisée pour les dix ans des conventions éducation prioritaire (CEP) liant Sciences Po à des lycées de quartiers défavorisés (85 aujourd'hui).
Ces CEP ont ouvert une nouvelle voie d'accès à Sciences Po (à côté du concours, de l'admission sur dossier avec mention "très bien" au bac et de la voie internationale), via une revue de presse et une note de synthèse réalisées en terminale, puis un entretien avec un jury de la grande école.
Si ces étudiants sont confrontés "à plus de difficultés en début de parcours", au final pour 100 diplômés, on en compte 63 en emploi, 27 en poursuite d'études, six en stage et quatre en recherche d'emploi, des chiffres similaires à ceux de l'ensemble de la promotion 2009.
"La France va bien, ses jeunes vont bien, dès lors qu'on leur fait confiance", a commenté le directeur de Sciences Po, Richard Descoings.
Depuis 2001, 860 étudiants ont bénéficié du dispositif (les promotions sont passées de 17 à 127 étudiants en dix ans), dont une partie est déjà diplômée.
Ces derniers travaillent davantage dans le privé: à peine 10% sont fonctionnaires ou agents contractuels de l'Etat, contre 26% de tous les diplômés de 2009. En conséquence, ils sont même mieux payés: 2.500 euros net par mois de salaire médian, contre 2.200 en moyenne.
A voir ceux présents mardi, l'école formant historiquement à la haute fonction publique a bien changé: Nadjia Besseghir travaille chez L'Oréal, Tarek Bestandji pour PricewaterhouseCoopers, Aurélia Makos chez GDF Suez et Lahlou Meksaoui à HSBC.
Avant Sciences Po, ils avaient suivi leur scolarité, respectivement, aux lycées Jean-Renoir de Bondy (Seine-Saint-Denis), l'Essouriau des Ulis (Essonne), Jean-Zay d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), Saint-Exupéry de Fameck (Moselle) et Jacques-Brel de La Courneuve (Seine-Saint-Denis).
Tous ont rappelé l'importance qu'a eue pour eux la venue sur place des équipes de Sciences Po et tous ont salué "le gros travail" de leurs professeurs de lycées impliqués dans les conventions.
Le dispositif a été créé car "on savait que le concours n'est pas égalitaire, il discrimine socialement", a expliqué M. Descoings, et d'ailleurs "l'essentiel des candidats au concours reste aujourd'hui issus de CSP+", les catégories sociales supérieures.
Mais avec l'ouverture de nouvelles voies d'accès, les étudiants passés par le concours ne représentent plus que 40% des effectifs de première année.
Du coup, le nombre de boursiers a aussi grimpé de 6% à 26% en 10 ans et la part des enfants d'ouvriers et d'employés a quadruplé entre 1998 et 2011, passant de 3% à 12% (dont 4,5% d'enfants d'ouvriers et 7,5% d'employés).
"C'est encore peu", a convenu Vincent Tiberj, "mais on a tendance à sous-estimer l'inertie élitaire" du système éducatif français.
Aujourd'hui, "80% des élèves français de 1ère année à Sciences Po ont eu mention très bien au bac", a rappelé M. Descoings.
En dix ans, le nombre d'étudiants de l'école a augmenté de 4.500 à 10.000.