OTAGESEx-otages en Afghanistan: Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière racontent

Ex-otages en Afghanistan: Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière racontent

OTAGESLes deux journalistes reviennent sur leur quotidien pendant leurs mois de détention...
Camélia Docquin

Camélia Docquin

Une semaine après leur libération, Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, les deux journalistes de France 3 enlevés le 30 décembre 2009 en Afghanistan, reviennent sur ces longs mois de détention, dans un entretien accordé au Monde publié ce vendredi.

Le jour de l’enlèvement, les deux journalistes, habitués des reportages de guerre, en sont à leur 31ème jour de tournage. «Le jour où l’on est le mieux préparés, le plus professionnellement préparés, c’est ce jour du 30 décembre», confie ce matin Hervé Ghesquière sur France-Info. Le reportage porte sur la construction d’une route dans la vallée de la Kapisa, permettant de relier l’Afghanistan au Pakistan sans passer par Kaboul. «Les militaires français, censés contrôler cette vallée de la Kapisa dans le cadre de leur mission de l'OTAN, ne contrôlent en fait pas grand-chose», observe-t-il.

Trois accompagnateurs se joignent à eux: Reza, leur traducteur ainsi que Ghullum, le chauffeur, et Satar le conducteur. Le groupe se déplace pour la première fois en l’absence de l’armée française. «Nous sommes arrivés au premier check-point dans une lumière mordorée», raconte Stéphane Taponier. «Les militaires afghans nous ont alertés sur le fait que la route était dangereuse et qu'au prochain check-point, on nous demanderait probablement de faire demi-tour.»

«Big problem»

Quelques kilomètres plus loin, une quinzaine d’hommes armés de kalachnikovs et informés par un taliban stoppent la voiture. Les deux otages comprennent immédiatement que cette arrestation n’est pas normale. Leur inquiétude se confirme lorsque le traducteur leur annonce en anglais un «big problem».

Les journalistes et Reza sont immédiatement séparés de Ghulam et Satar qu’ils ne reverront plus pendant leur détention, puis entassés avec de jeunes talibans dans une Toyota afin d’être exhibés dans les villages des alentours.

Ils sont ensuite menés dans une maison où on leur annonce qu’ils ont été enlevés par les talibans avant d’être fouillés. Hervé Ghesquière parvient tout de même à cacher un téléphone portable dans son slip ainsi que 700 dollars qui lui permettront de monnayer une radio et de la nourriture pendant leur captivité.

«On va vous sortir de là très rapidement»


Les journalistes et Reza sont immédiatement séparés de Ghulam et Satar qu’ils ne reverront plus pendant leur détention, puis entassés avec de jeunes talibans dans une Toyota afin d’être exhibés dans les villages des alentours.

Ils sont ensuite menés dans une maison où on leur annonce qu’ils ont été enlevés par les talibans avant d’être fouillés. Hervé Ghesquière parvient tout de même à cacher un téléphone portable dans son slip ainsi que 700 dollars qui lui permettront de monnayer une radio et de la nourriture pendant leur captivité.

«On va vous sortir de là très rapidement»


Les journalistes et Reza sont immédiatement séparés de Ghulam et Satar qu’ils ne reverront plus pendant leur détention, puis entassés avec de jeunes talibans dans une Toyota afin d’être exhibés dans les villages des alentours.

Ils sont ensuite menés dans une maison où on leur annonce qu’ils ont été enlevés par les talibans avant d’être fouillés. Hervé Ghesquière parvient tout de même à cacher un téléphone portable dans son slip ainsi que 700 dollars qui lui permettront de monnayer une radio et de la nourriture pendant leur captivité.

«On va vous sortir de là très rapidement»

Au bout de quelques jours, les otages sont devenus trop repérables et sont évacués vers une autre maison après une longue marche de nuit, sur des sentiers enneigés et glissants. En l’absence de réseau et de batterie, Hervé Ghesquière finit par se débarrasser de son téléphone sur le chemin. «On est toujours dans des maisons familiales, toujours dans une pièce isolée, rarement dans la pièce des invités», raconte ce dernier, mais jamais battus ni attachés, «on ne casse pas la tire lire.»

Le 29 janvier, les services de la DGSE établissent un premier contact téléphonique: «On va vous sortir de là très rapidement.» Les journalistes sont loin de se douter que leur détention durera un an et demi.

Pour tuer le temps, les otages s’organisent: «Il faut structurer nos journées. Il faut qu’on soit à la bourre. On n’a rien à faire de la journée donc paradoxalement il faut qu’on soit à la bourre pour tenir le coup», explique Hervé Ghesquière. Stéphane Taponier réussit à se brancher à RFI ou à la BBC, Hervé Ghesquière entreprend de rédiger un journal. Ils font régulièrement du sport, quatre heures par jour.

Il arrive que la situation soit tendue notamment pour Hervé Ghesquière avec un de ses geôliers Drana (nom de taliban), qu’il juge «toxique». Un jour, Drana le menace de sa kalachnikov parce qu’il refuse de fermer un rideau: «Vas-y tire, tue moi! Tu verras comme tes chefs seront contents!» crie le journaliste.

La séparation

Le 8 avril, les otages sont séparés. Stéphane Taponier et Reza se retrouvent trois mois plus tard. Avant de partir, Reza note une cinquantaine de mots afghans indispensables: eau, faim, malade, froid, mais aussi «mozakrat chorou ?» (négociations avancent) et «mozakrat moushkil ? » (négociations problème). Hervé Ghesquière, restera seul pendant huit mois enfermé dans: «un ignoble réduit de terre battue, exposé aux vents, infesté de souris, de mouches et même d'un serpent ». Il finit par tomber malade et demande à être soigné. Un taliban lui apporte des comprimés mais ils sont insuffisants en nombre pour achever de le guérir.

Le 9 juillet, Hervé Ghesquière reçoit un nouvel appel décevant d’un agent de la DGSE qui sera dans l’incapacité de lui annoncer à quel moment ils seront libérés.

«Le 29 juin 2011, au matin, raconte Hervé Ghesquière, on nous a fait prendre une douche et on nous remet des habits afghans blancs, la couleur des talibans. Un bon signe. Les ravisseurs nous avaient toujours affirmé qu'ils nous rendraient à leur couleur.» Ils sont de nouveau déplacés et arrivent à un endroit après sept heures de marche. Sur place, un homme qui apparaît être un décideur leur fait un discours avant de leur serrer la main: «Nous allons vous remettre aux Français. Dites-leur que nous sommes envahis, que notre guerre est juste. Que les forces de l'OTAN nous tirent dessus et que nous ne faisons que défendre notre liberté.»

«J’ai envie de continuer à faire mon métier de journaliste»

Ils sont ensuite emmenés à la base militaire de Tagab puis récupérés par les militaires français. A leur arrivée, les otages sont accueillis par le général en chef des forces armées françaises : «Bienvenue! C'est bon. C'est terminé.»


«J’ai envie de continuer à faire mon métier de journaliste»

Ils sont ensuite emmenés à la base militaire de Tagab puis récupérés par les militaires français. A leur arrivée, les otages sont accueillis par le général en chef des forces armées françaises : «Bienvenue! C'est bon. C'est terminé.»

Aujourd’hui Hervé Ghesquière tire les leçons de son enlèvement: «J’en sors j’espère plus serein, plus fort, plus mature, peut-être un peu endurci mais pas dans le mauvais sens du terme. L’adage populaire dit ce qui ne tue pas rend plus fort.» Quant à retourner en Afghanistan? «J’irai en prenant encore plus de précautions (…). J’ai envie de continuer à faire mon métier de journaliste, j’ai envie de continuer à faire du reportage de terrain et à décrypter ce qu’il se passe dans le monde. Décrypter, expliquer, comprendre c’est ça le métier de journaliste.»