L'eau du Rhône, trop salée, menace de détruire le riz de Camargue
EconomieJournaliste afp
Sur près de 2.000 hectares, plus aucune pousse n'affleure des rizières de Camargue. L'eau habituellement salvatrice du Rhône, qui depuis deux mois s'est chargée de sel, a brûlé les jeunes plants de riz.
La sécheresse et les faibles neiges de cette hiver ont fortement réduit le débit du fleuve, provoquant une remontée des eaux salées de la Méditerranée dans le delta où sont cultivés les 20.000 hectares de rizières françaises.
La France est un petit producteur comparé aux géants asiatiques, mais ces 80.000 tonnes produites chaque année représentent 20% de la consommation des Français.
Près de 10 % de cette production - soit 2.000 hectares- ont été détruits sur la zone la plus exposée de l'embouchure. Un peu plus loin à l'intérieur des terres, 3.000 hectares supplémentaires sont menacés par ce phénomène inédit qui prend les riziculteurs au dépourvu.
«Les plants ont disparu, il n'y a plus rien d'autres qu'un trou dans la terre», explique François Callet, membre du syndicat des riziculteurs de France et producteur dans la zone touchée.
«Normalement à cette époque les pousses font entre 5 et 6 centimètres. Ici, le sel les a complètement fait fondre, comme des mauvaises herbes»
Un quart de la production menacée
La pluie des dernières semaines a permis au fleuve de souffler un peu mais rien n'indique une amélioration sur le long terme. La levée, au mois de mai, et la floraison, au mois d'août, sont les deux étapes cruciales pour les producteurs.
«Si nous vivons à nouveau cette situation en août, les plants qui ont survécu vont devenir grisâtres et à l'intérieur des épis, les grains seront stériles», prédit François Callet.
Si l'eau du Rhône, douce en temps normal, atteint à nouveau des records de salinité en août, ce sont donc 25% de la production qui pourraient être détruits.
«Le riz est une culture irriguée, qui dépend entièrement du Rhône, et pas des pluies comme les autres agriculteurs», rappelle Florian Lacrotte, producteur.
Lorsque la teneur en sel du fleuve a atteint près de 3g/l à proximité de son exploitation, il a dâ arrêter de faire fonctionner les stations de pompage qui irrigue ses rizières.
Dilemme entre le pompage de l'eau et les rizicultures
«L'eau est devenue instable, elle n'est pas cristalline, un peu rouge. Et surtout elle mousse, elle fait comme de l'écume, c'est le signe d'une très forte salinité», ajoute-t-il.
Un choix cornélien pour les riziculteurs, qui n'ont d'autre possibilité que de pomper dans le fleuve ou de laisser mourir ces plantes gourmandes en eau.
En cas de scénario catastrophe, la perte représenterait environ 3 millions d'euros de chiffre d'affaire d'après le syndicat. Selon la position de leur exploitation sur l'embouchure - la situation est critique jusqu'à 25 km à l'intérieur des terres -, les riziculteurs seront touchés de façon très variable.
«On n'est pas les plus à plaindre. Mais on a prévenu les enfants que Noël sera 'petit' et que les congés seront abrégés, ou qu'il n'y en aura pas», explique Florian Lacrotte.
Le riz camarguais ne pèse toutefois pas lourd dans la production mondiale, même s'il représente plus de 20% de la consommation en riz des Français.
«Il n'y aura aucun impact sur le marché européen», prédit Jean-Pierre Brun, courtier spécialisé en riz. «L'Italie et l'Espagne produisent beaucoup plus que nous. Et c'est sans comparaison avec la Thaïlande ou la Chine, dont la sécheresse a, elle, beaucoup inquiété le marché».
Aucun risque de spéculation, ajoute le spécialiste, car il n'existe quasiment pas de marché à terme du riz comme c'est le cas pour d'autres matières premières, comme le blé ou le maïs.