SOCIETEEducation nationale: La campagne de recrutement du ministère fait jaser les syndicats

Education nationale: La campagne de recrutement du ministère fait jaser les syndicats

SOCIETEElle promet 17.000 nouveaux postes, quand 16.000 sont supprimés dans le même temps...
Corentin Chauvel

Corentin Chauvel

Avec l’Education nationale, il ne vaut mieux pas se perdre dans les chiffres. Après avoir jugé probable dimanche la suppression d’au moins 16.000 postes l’an prochain, Luc Chatel a lancé ce mercredi une campagne de recrutement de 17.000 postes en 2011.

«33.000 fonctionnaires partent à la retraite dans l’année, 16.000 ne sont pas remplacés (non-remplacement d'un départ en retraite sur deux) donc 17.000 sont à pourvoir», explique-t-on au ministère, joint par 20Minutes.

Sauf que les 16.000 suppressions de 2012 concernent, si l’on en croit Luc Chatel, uniquement des enseignants et que, dans le détail, les 17.000 nouveaux fonctionnaires ne seront pas que des professeurs. Ils ne seront en effet que 11.600 (3.000 dans le premier degré, 8.600 dans le second), le reste étant «des agents administratifs, du personnel de santé scolaire, des métiers extrêmement variés».

«L’objectif, c’est que tout le monde s’y perde!»

Les syndicats ne croient pas au but de cette campagne: «L’objectif, c’est que tout le monde s’y perde!», persifle Christian Chevalier, secrétaire général de SE-Unsa, contacté par 20Minutes. «C’est un plan com’ pour brouiller les esprits, une publicité sur ce qui existe déjà puisqu’on recrute autant d’enseignants chaque année», ajoute le syndicaliste.

«C’est limite de la provocation», renchérit Bernadette Groison, secrétaire générale du FSU, pour qui cette promotion «ne se confronte pas à la vraie question de la revalorisation du métier. Car la difficulté à recruter des enseignants est bien réelle. «C’est la première fois que le nombre de candidats qui se présentent au concours chute de manière brutale», indique Christian Chevalier, qui explique ce phénomène par trois facteurs.

Trois facteurs déterminants

Le premier, c’est un «vivier pas suffisant». Le nouveau niveau de recrutement en M1 au lieu de la licence écarte de fait près de 200.000 candidats potentiels. Les disciplines scientifiques sont les plus en peine avec «autant de candidats que de postes à pourvoir», précise le syndicaliste.

Ensuite, c’est l’image du métier qui cloche: suppressions de postes, classe surchargées, métier difficile et anxiogène… Autant d’éléments qui ne profitent pas à la valorisation de l’Education nationale, selon Christian Chevalier, qui déplore également un troisième facteur financier.

Pour le syndicaliste, «démarrer une carrière à 1.500 euros pour atteindre 2.000 euros dix à douze ans plus tard», ce n’est pas très alléchant. «Il y a nettement mieux ailleurs, notamment dans le domaine scientifique. Les étudiants préfèrent aller bosser chez Total, où les promotions sont plus avantageuses», ajoute Christian Chevalier.

«Vers une crise du recrutement»

Ce sont justement ces deux derniers facteurs auxquels le ministère entend s’attaquer avec cette campagne. «Cela fait partie de la politique de revalorisation du métier d’enseignant», précise-t-on rue de Grenelle, où l’on se vante toujours d’être toujours «le premier recruteur de France».

Dotée d’un budget de plus d’un million d’euros, la promotion de l’Education nationale voit large avec une présence dans tous les médias sauf la télévision. La campagne a pour objectif «d’attirer les meilleurs talents au service de la plus noble des missions: assurer la réussite de chaque élève». Sur les affiches, «Laura a trouvé le poste de ses rêves» et Julien «un poste à la hauteur de ses ambitions».

Un sexisme dont se gausse Christian Olivier: «On essaie quotidiennement en classe de tordre les clichés quand l’institution les reprend à son compte.» «La réalité, c’est que le métier d’enseignant ne fait plus recette et on va vers une crise du recrutement», résume-t-il encore, dans l’attente d’une politique «qui redonnerait ses lettres de noblesse» à la profession.