Trafic de drogue: Itinéraire d'un gramme de cocaïne
DROGUE•Des montagnes andines aux narines européennes, 20Minutes suit la route de la coke...Corentin Chauvel
Couper les «nouvelles routes» de la coke. Telle est la base du plan de guerre posée ce mardi à Paris par les ministres de l'Intérieur et de la Justice du G8 et des délégués africains pour tenter d'enrayer l'expansion du trafic transatlantique de cocaïne. D’où part-elle et comment arrive-t-elle jusque dans les narines des consommateurs européens? 20Minutes fait le point.
La cocaïne est produite quasi-exclusivement en Amérique du Sud et dans trois pays en particulier: la Colombie (410 tonnes par an), le Pérou (300 tonnes) et la Bolivie (110 tonnes). C’est un produit naturel extrait des feuilles de coca, un arbuste tropical. «Il est possible d'obtenir de la cocaïne synthétique par des méthodes différentes, mais cela est rare et moins économique que l'extraction du produit naturel», précise un rapport de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT), publié en 2010.
De la feuille de coca au chlorhydrate
Si la production de cocaïne est difficilement contrôlable à sa base, c’est parce que la culture des feuilles de coca est légale en Amérique du Sud, celles-ci étant également consommées naturellement (mâchées) ou sous forme de thé. Or, ce sont parfois les cultivateurs qui effectuent eux-mêmes deux des trois étapes nécessaires à la transformation de la feuille de coca en chlorhydrate, soit la cocaïne en poudre.
La première consiste à transformer les feuilles en pâte de coca à l’aide de produits chimiques facilement disponibles (kérosène, acide sulfurique). Et, comme le souligne le rapport de l’OEDT, «cette étape nécessite peu de compétences et d’investissement financier». Il en faut un peu plus cependant pour réaliser la suite du processus qui voit la pâte de coca accéder à l’état de «cocaïne base» à l’aide de divers solvants.
Le marché est on ne peut plus attractif pour les cultivateurs de coca. L’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) établissait en 2008 en Colombie à près de 670 euros le kilo de pâte de coca et 1.000 euros le kilo de cocaïne base, contre seulement 75 centimes d’euros le kilo des seules feuilles de coca, dont une tonne permet la production d’environ un kilo de poudre de cocaïne.
La troisième et dernière étape, qui aboutit justement à la poudre de cocaïne à l’aide d’acide chlorhydrique, est celle effectuée dans les laboratoires clandestins appartenant aux bandes criminelles. Une large majorité d’entre eux sont situés en Colombie, mais ils essaiment dans toute l’Amérique latine et le reste du monde.
Trois routes principales de transit
L’exportation du produit fini depuis l’Amérique du Sud vers l’Europe se fait ensuite par voie aérienne (mules ou fret) ou maritime (voiliers, porte-conteneurs et sous-marins), cette dernière posant le plus de problèmes car «de large quantités peuvent être transportées en une seule fois et la détection est difficile», explique le rapport de l’OEDT.
Trois routes principales ont été identifiées: celle du nord (40% du trafic) à partir des Antilles via les Açores à destination de la péninsule ibérique, celle du centre depuis l’Amérique du Sud via le Cap Vert, Madère et les Iles Canaries à destination de toute l’Europe et, la plus récente, pointée du doigt par le G8 anti-drogue, la route africaine depuis l’Amérique latine via l’Afrique de l’Ouest (Bénin, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, etc.) à destination du Portugal et de l’Espagne.
De 44 à 88 euros le gramme
Ces deux derniers pays représentent la principale porte d’entrée de la cocaïne en Europe où la demande s’est déplacée depuis 1998. Quatre fois moindre il y a dix ans qu'en Amérique du Nord, la valeur annuelle du marché en Europe est passée à 23 milliards d’euros pour presque rejoindre celle des Etats-Unis (25 milliards). Aujourd’hui, deux tiers des consommateurs européens vivent en Espagne, au Royaume-Uni et en Italie.
Cependant, l’OEDT précise que la poudre blanche qui termine dans les narines européennes (elle est aussi fumée sous forme de «crack») est quasiment toujours «frelatée», coupée avec d’autres produits (anesthésiants, antidouleurs et autres) une fois arrivée sur son lieu d’importation. De quoi faire réfléchir les millions d’amateurs qui doivent dépenser de 44 à 88 euros par gramme.